Le Cercle des Européens...
Pour une Europe réunie...
Celui-ci est venu présenter aux invités de Noëlle Lenoir et de Pierre Simon, l’action de la Commission en matière de marchés publics, de concessions et plus spécifiquement de Partenariats Public-Privé, actuellement en plein développement et dont l’importance pourrait s’avérer de plus en plus stratégique dans un contexte de crise financière et économique.
Texte de son intervention
Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs,
C’est avec plaisir que j’ai répondu à l’invitation de Mme Lenoir, de venir vous présenter les réflexions et initiatives de la Commission dans le domaine des marchés publics, des concessions et, plus particulièrement, des Partenariats Public-Privé ; les "PPP".
En effet, l’importance des marchés publics - au sens large - dans l’économie européenne n’est plus à démontrer : près de 1800 milliards d’euros représentant 17% environ du PIB de l’ensemble des Etats membres de l’Union, c’est considérable.
Dans ce domaine, la politique initiée par la Commission vise essentiellement à garantir l’ouverture de ces marchés sur une base non-discriminatoire à l’ensemble des opérateurs économiques potentiellement intéressés.
Pour ce faire, la Commission se doit d’être particulièrement attentive à l’évolution des réglementations et pratiques nationales.
Or, parmi ces évolutions, la multiplication des formes de Partenariats Public-Privé est certainement la plus marquante et la plus caractéristique de ces dernières années.
Il n’existe pas, au niveau communautaire, de réglementation spécifique régissant la mise en place des PPP, pas plus qu’il n’y a de définition uniforme de ce type de coopération "public-privé". Dans sa Communication du 5 février 2008 sur les PPP institutionnalisés, la Commission propose cependant une définition générale de ce phénomène : une coopération, le plus souvent à long terme, où le rôle dévolu au partenaire privé est de participer aux différentes phases du projet en cause (conception, exécution, exploitation) et où le partenaire privé supporte des risques traditionnellement pris en charge par le secteur public et souvent contribue au financement du projet.
Deux grandes catégories de PPP peuvent être distinguées : à côté des PPP purement contractuels, il existe aussi ce qu’on appelle les Partenariats public-privé dits "institutionnalisés" - entités à capital mixte, public et privé, chargées d’exécuter des marchés publics ou de gérer des concessions. Dans le cadre de cette dernière catégorie, l’apport du partenaire privé consiste, hormis la contribution aux capitaux ou aux autres actifs, en la participation active à l’exécution des tâches attribuées à l’entité à capital mixte et/ou la gestion de l’entité à capital mixte.
Même si nous ne disposons que de donnés incomplètes relatives à quelques Etats membres et à quelques secteurs, nous pouvons néanmoins constater qu’il s’agit d’un phénomène économique non négligeable. Je vous donnerai un exemple, basé sur les études que nous avons commandées. Si on regarde seulement 8 Etats membres : Allemagne, France, Italie, Grande Bretagne, Espagne, Pologne, Suède et la République Tchèque, et uniquement dans les secteurs transport, santé, eau, éducation, bâtiment public et gestion des déchets, la valeur des PPP sur la période 2000-2006 s’élevait à 230 milliards €, tandis que la valeur des PPP signés ou approuvés pendant l’année 2006 a atteint le chiffre de 138 milliards €. On peut donc constater qu’il s’agit non seulement d’un marché important, mais aussi d’un marché qui s’accroît très rapidement. Les PPP jouent un rôle essentiel dans le financement et la réalisation d’infrastructures publiques. Les entreprises européennes, en particulier les entreprises françaises, disposent d’une très grande expertise en la matière. Ces PPP ont notamment permis de développer un modèle original concessionnaire-contructeur intégré qui couvre conception, financement, construction et exploitation des ouvrages. Il ne s’agit pas ici d’une simple relation commerciale, mais d’un véritable partenariat de longue durée. Autant de raisons qui nous font penser que les Institutions communautaires peuvent, sinon doivent, contribuer au développement des PPP.
Même si les PPP ne sont pas visés en tant que catégorie spécifique par les directives communautaires en matière de commande publique, ils restent néanmoins régis par ces règles dans la mesure où ils constituent des marchés publics ou des concessions et représentent des contrats d’une valeur supérieure à certains seuils.
Le régime communautaire applicable à la sélection d’un partenaire privé dépend également de la qualification de la relation contractuelle que ce partenaire est censé nouer avec un pouvoir adjudicateur. Les PPP qualifiés de marchés public de travaux ou de services figurant parmi les services dits prioritaires, sont soumis à l’ensemble des dispositions détaillées des directives communautaires, alors que les PPP qualifiés de concessions de travaux ou de marchés publics de services dits ’non prioritaires’, ne sont régis que par quelques dispositions des directives mais demeurent soumis aux dispositions du Traité. Les PPP qualifiés de concessions de services sont, quant à eux, soumis uniquement aux dispositions et principes du Traité, tels les principes de transparence, d’égalité de traitement, de proportionnalité et de reconnaissance mutuelle.
Dans ce contexte, quelles sont les questions qui se posent aux parties intéressées ?
D’abord, une partie importante des PPP, à savoir les concessions de services, ne sont appréhendées que par les principes du Traité, dont les modalités d’application, même si elles ont fait l’objet de plusieurs arrêts de la CJCE, ne sont pas toujours explicites. Ceci peut conduire à des situations d’insécurité juridique qui peuvent, dans certains cas, décourager la mise en place des concessions de services. D’autre part, les opérateurs privés, en proie à la même incertitude, peuvent être dissuadés de s’investir dans des projets juridiquement risqués. Comme en témoignent certaines réactions à notre Livre vert, certains pouvoirs adjudicateurs ne semblent pas toujours conscients de l’étendue de leurs obligations. En outre, les concessions de services ne sont pas couvertes par les directives communautaires traitant des recours ; ce qui signifie que les candidats et soumissionnaires intéressés par d’importantes concession de services attribuées dans d’autres Etats membres, ne bénéficient pas des garanties de recours efficaces offertes par ces directives.
En outre, la législation en vigueur ne définit pas la concession de façon très précise. Ainsi, tracer la ligne de partage entre un marché public et une concession, ou encore, effectuer la distinction entre une concession et une licence ou autorisation, peut parfois s’avérer difficile dans la pratique. Ceci a parfois conduit des pouvoirs adjudicateurs à qualifier un contrat de "concession" plutôt que de "marché public", afin de ne pas être soumis aux disciplines et aux garanties de transparence et d’égalité de traitement prévues par les directives.
Par ailleurs, les consultations publiques que nous avons effectuées sur les partenariats public-privé et le droit communautaire des marchés publics et des concessions, ont montré qu’il y avait un réel besoin de clarifier l’application des règles dans le cas des PPP dits "institutionnalisés".
En effet, les autorités publiques sont libres d’exercer elles-mêmes une activité économique ou de la confier à des tiers, par exemple, à une entité à capital mixte créée avec un partenaire privé dans le cadre d’un PPP. Toutefois, si les organismes publics décident d’associer des tiers à des activités économiques dans des conditions qui peuvent être qualifiées de marchés publics ou de concessions, les dispositions du droit communautaire applicables en la matière doivent être respectées.
Suite aux consultations de son "Livre vert" de 2004, la Commission a publié une communication en 2005 dans laquelle elle a exprimé sa préférence pour une initiative législative sur les concessions - sous réserve des résultats d’une évaluation d’impact - et pour une communication interprétative sur les Partenariats Public-Privé Institutionnalisés (PPPI).
En 2006 le Parlement Européen a apporté son soutien à cette approche : 1) législation sur les concessions, 2) clarifications non législatives pour les PPPI.
En matière de concessions, nos travaux d’évaluation d’impact ne sont pas encore terminés. La Commission n’est donc pas encore en mesure de prendre de décision définitive sur une éventuelle proposition législative ou sur une initiative non législative.
Il y a cependant de nombreux arguments invoqués par les parties intéressées en faveur d’une initiative législative : la notion de "concession" pourrait être plus clairement définie au niveau communautaire. Les modalités d’application des principes généraux découlant du Traité CE pourraient aussi être explicités ; notamment les modalités d’application du principe d’égalité de traitement des participants aux procédures d’attribution des concessions. Un acte législatif pourrait ainsi prévoir les modalités d’une publicité adéquate et définir les règles applicables à la sélection des concessionnaires sur la base de critères objectifs et non discriminatoires. De même, les possibilités et garanties de recours offertes aux opérateurs concernés pourraient être alignées sur celles qui entourent les procédures de passation de marchés publics et de concessions de travaux.
Pour ce qui concerne le champ d’application d’une initiative législative éventuelle, les discussions avec les parties intéressées portent aussi sur la question de savoir si celle-ci devrait comprendre à la fois les concessions de travaux et les concessions de services ou uniquement les concessions de services. On discute également de la question de savoir s’il faut un amendement des directives existantes ou proposer une nouvelle directive "concession".
Du point de vue de contenu de la législation, on peut envisager soit une approche "allégée", comme c’est le cas actuellement pour les concessions de travaux soit des dispositions plus détaillées se rapprochant de ce qui existe pour les marchés publics.
Il est certainement trop tôt pour conclure sur ces questions. Les discussions continuent et je vous invite à y contribuer.
Il y a, naturellement, d’autres voies disponibles que la voie législative pour améliorer la situation, comme la voie d’une communication interprétative de la Commission, des actions visant à une meilleure coordination des pratiques nationales, ou encore, des échanges de bonnes pratiques entre les Etats-membres. En témoigne la création de l’EPEC (Centre européen d’expertise en matière de PPP) établi par la Commission et la BEI.
En matière de PPPI, la Commission a adopté, le 5 février 2008, une communication interprétative concernant l’application du droit communautaire des marchés publics et des concessions aux PPP dits "institutionnalisés".
La communication met en lumière les modalités de création de PPPI qui, aux yeux de la Commission, sont compatibles avec les dispositions communautaires relatives aux marchés publics et aux concessions. Son objectif est, à la fois, de renforcer la sécurité juridique des opérations envisagées, et, de répondre aux préoccupations de ceux qui craignent que l’application du droit communautaire à la sélection des partenaires privés aux PPPI ne rende la formule peu attrayante, voire impossible.
En effet, indépendamment de la manière dont un PPPI a été créé, les dispositions du droit communautaire relatives aux marchés publics et aux concessions imposent à l’entité adjudicatrice de suivre une procédure équitable et transparente lorsqu’elle choisit le partenaire privé, qui dans le cadre de sa participation à l’entité à capital mixte effectue des travaux, preste des services, livre des fournitures.
A cet égard, la Commission considère qu’une double procédure (la première pour la sélection du partenaire privé du PPPI, et la seconde pour l’attribution du marché public ou de la concession à l’entité à capital mixte) est difficilement praticable. Aussi la Commission précise-t-elle dans sa communication qu’une possibilité d’établir un PPPI en conformité avec les principes du droit communautaire, tout en évitant les problèmes liés à une double procédure, est d’agir comme suit :
Le partenaire privé est sélectionné dans le cadre d’une procédure transparente et concurrentielle dont l’objet se concentre sur la contribution attendue du partenaire privé dans le cadre du PPPI, cette contribution/mission étant définie par l’entité adjudicatrice en termes de travaux, de services, voire de fournitures, en fonction de ses besoins. La sélection du partenaire privé s’accompagne de la fondation du PPPI et de l’attribution de la tache économique en cause au PPPI.
Dans sa communication, la Commission a également clarifié d’autres aspects importants pour les PPPI. En particulier, tenant compte du fait qu’un PPPI est habituellement créé pour la prestation d’un service sur une période assez longue, la Commission reconnaît que celui-ci doit être en mesure de s’adapter à certains changements intervenus dans l’environnement économique, juridique ou technique, pour autant que les principes de l’égalité de traitement et de la transparence soient respectés.
De même, la communication rappelle que l’entité à capital mixte est libre, en droit communautaire, de participer aux appels d’offres publics, mais souligne le fait que des mesures de sauvegarde spécifiques doivent être prises pour garantir une séparation stricte entre, d’une part, les personnes qui préparent les appels d’offres et décident de l’attribution de la mission au sein de l’entité adjudicatrice, et, d’autre part, les personnes qui assurent la gestion du PPPI.
Les réactions des parties intéressées, tant du secteur public que du secteur privé, à cette communication - notamment, à la suggestion d’une procédure unique d’adjudication pour l’établissement des PPPI -, ont été très positives. Respectueuse de la libre organisation des collectivités, cette communication montre que l’on peut parfaitement articuler libre administration de l’action publique locale et mise en concurrence. La sécurité juridique des opérations concernées en sort bien évidemment renforcée.
Pourtant, certaines parties prenantes au débat ont appelé à une extension du concept des relations « in-house » pouvant exister entre certains pouvoirs adjudicateurs et certaines entités qui leur sont tierces sur le plan formel, concept dont la Cour de justice aurait fait, selon eux, une interprétation trop étroite. Il ne semble toutefois pas y avoir d’éléments probants donnant à penser que la qualité des services publics pourrait être améliorée ou les prix diminués si les entreprises privées – via des PPPI – obtenaient des missions de service public sans une procédure de mise en concurrence préalable ; au contraire. En outre, il est difficile de voir comment un traitement privilégié des PPPI par rapport à leurs concurrents privés pourrait être conforme à l’obligation d’égalité de traitement telle qu’elle ressort du Traité CE.
Comme vous pouvez le constater, nos travaux dans le domaine des PPP ont bien progressé ; l’adoption récente de la Communication sur les IPPP constituant d’ores et déjà une avancée non négligeable pour la sécurité juridique d’opérations économiquement conséquentes.
Nous n’en sommes, cependant, pas à la fin du processus. Seule la finalisation de nos travaux d’analyse d’impact relatifs aux concessions de services permettra à la Commission de proposer les solutions nécessaires et proportionnées dans ce domaine en plein développement.
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