De gauche à droite : Pierre Bernard-Reymond, Michel Barnier, Catherine Colonna, Pierre Lellouche, Noëlle Lenoir, Jean-François Poncet, Renaud Donnedieu de Vabres, André Chandernagor. © MAEE Photo F. de la Mure.
Le Secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, Pierre Lellouche, réunissait autour de lui sept de ses prédécesseurs, faisant ainsi le lien entre 34 années d’histoire du Quai d’Orsay et 16 années d’expérience ministérielle dans les affaires européennes.
Dans un contexte marqué par de multiples crises et de nombreux défis adressés à l’Union européenne, cette réunion a donné lieu à un échange de vues sur la situation actuelle et les perspectives d’avenir du processus d’intégration.
La fin de l’esprit communautaire ?
Alors que la crise économique et financière a mis en exergue les risques de division entre Etats membres et la tendance au repli national, l’ensemble des ministres a fait le constat de l’effacement de l’esprit communautaire au profit de la méthode intergouvernementale. En présence de Jean-François Poncet, principal négociateur français des Traités de Rome de 1957, les invités se sont interrogés sur la fin possible de la "méthode Monnet" comme moteur de l’intégration. Ces dernières années, la Commission européenne a en effet perdu sa force d’initiative ainsi que sa capacité à faire converger les Etats vers l’ intérêt communautaire. La crise a dans ce sens servi de révélateur d’une longue période pendant laquelle la dérégulation à pris le pas sur une intégration positive, basée sur un projet politique.
L’Union européenne se trouve aujourd’hui à un moment charnière de son histoire. Les Etats doivent démontrer leur aptitude à faire front commun dans la gestion de dossiers aussi cruciaux que ceux liés à la régulation financière, à la reprise économique, au climat ou à la politique étrangère, …faute de quoi l’Union pourrait se déliter.
Quelle place et quel rôle pour le ministre français des Affaires européennes ?
Certains secrétaires d’Etat, d’autres ministres délégués, les invités se sont interrogés sur le rôle et la place du titulaire du portefeuille des Affaires européennes au sein du gouvernement français. Il a ainsi été souligné qu’il était certainement temps de ne plus assimiler les affaires européennes à des affaires étrangères. La place du ministre des Affaires européennes est-elle dès lors au Quai d’Orsay, et ce alors même que l’expertise et l’administration se trouvent au sein du Secrétariat général des affaires européennes (SGAE), placé sous l’autorité directe du Premier ministre ? Quel doit être le rôle du ministre dans le renforcement de la coordination interministérielle sur les affaires européennes ? Comment remédier à la dispersion des organes chargés de l’information et de la communication sur l’Europe, comme l’avait mis en lumière le rapport Herbillon (La fracture européenne - Après le référendum du 29 mai 2005 : 40 propositions concrètes pour mieux informer les Français sur l’Europe - Rapport au Premier ministre, Michel Herbillon, La Documentation française : 2005) qui avait appelé à la mise en place d’une véritable stratégie dans ce domaine crucial ? Faut-il créer un "Conseil stratégique sur l’Europe" (comme l’a proposé un rapport de 2007 du Conseil d’Etat : L’administration française et l’Union européenne : Quelles influences ? Quelles stratégies ? – Rapport public 2007 – Jurisprudence et avis de 2006, Conseil d’État, Études et documents du Conseil d’État n° 58, La Documentation français, 2007) qui réunirait le Président de la République, le Premier ministre, le ministre des Affaires étrangères, le ministre en charge des Affaires européennes, le ministre de l’Economie et des Finances, afin d’arrêter les grandes priorités politiques et placer "l’Europe au cœur de la vie gouvernementale" ?
Parcours européens des 7 ministres présents lors de la réunion
Jean-François Poncet
Diplomate de formation, Jean-François Poncet est au cœur des négociations des Traités de Rome en 1957, en tant que Secrétaire général de la Délégation française. Il met alors au profit de la réconciliation franco-allemande, toute l’expérience acquise entre 1949 et 1956 au poste Haut commissaire de la France en Allemagne. Il rejoint ensuite la sous-direction des Affaires européennes au Quai d’Orsay avant de s’occuper de l’Afrique orientale puis de rejoindre l’Ambassade de Téhéran de 1969 à 1971. Le Président Valéry Giscard d’Estaing qui a fait de la relance institutionnelle de la Communauté un axe fort de son début de mandat, le nomme en 1976 Secrétaire d’Etat aux Affaires européennes. Il devient ministre des Affaires étrangères en 1978 et restera à la tête de la diplomatie française jusqu’en 1981. Sénateur depuis 1983, Jean-François Poncet est Vice-président de la commission des Affaires étrangères et Vice-président de la commission des Affaires européennes.
Pierre Bernard-Reymond
Député des Hautes-Alpes depuis 1971, Pierre Bernard-Reymond connait une première expérience ministérielle en tant que Secrétaire d’Etat au Budget en 1977. Un an plus tard, il est nommé Secrétaire d’Etat aux Affaires européennes dans le troisième gouvernement de Raymond Barre. En 1984, il se présente aux élections européennes sur la liste de Simone Veil. Après deux années au Parlement européen, il retrouve son siège à l’Assemblée nationale. Réélu député européen en 1989 puis en 1994, Pierre Bernard-Reymond s’investira plus particulièrement dans les questions de politique étrangère, de défense et de relations commerciales, notamment avec la Chine. Maire de Gap de 1989 à 2007, il entre ensuite au Sénat où il occupe le siège de Sénateur des Hautes-Alpes.
André Chandernagor
Député de la Creuse depuis 1958 André Chandernagor quitte en 1981 un siège qu’il a occupé durant 23 ans pour entrer dans le gouvernement de Pierre Mauroy, à la faveur de l’élection de François Mitterrand. Il restera jusqu’à la fin de l’année 1983 au poste de Ministre délégué aux Affaires européennes, sous la tutelle de Claude Cheysson. Nommé Premier Président de la Cour des comptes après avoir quitté le Quai d’Orsay, il en est depuis 1990 Premier Président honoraire. Ardent défenseur des droits du Parlement, il écrit un ouvrage sur le sujet qui fait date : "Un Parlement pour quoi faire ?"
Michel Barnier
Nommé pour la première fois ministre en 1993, à l’Environnement, Michel Barnier rejoint deux ans plus tard le ministère des Affaires européennes où il restera jusqu’en 1997. Son principal chantier est alors la négociation du Traité d’Amsterdam. Fort de cette expérience, il est nommé en 1999, Commissaire à la Politique régionale et à la réforme institutionnelle. IL jouera en tant que représentant de la Commisison un rôle très important au sein de la Convention sur l’avenir de l’Europe présidée par Valéry Giscard d’Estaing pour préparer un traité constitutionnel. Il quitte la Commission Prodi en 2004. De retour sur la scène nationale, il retrouve le Quai d’Orsay, mais cette fois en tant que ministre des Affaires étrangères. Il est l’auteur d’un rapport remarqué pour la Commission européenne sur la protection civile. Il entre ensuite dans le "seul ministère 100% européen", celui de l’Agriculture. Après avoir conduit la liste UMP en Ile-de-France et avoir été élu Député européen en juin 2009, Michel Barnier a été désigné Commissaire au Marché intérieur et au Services fin 2009, se retrouvant ainsi en charge d’un des portefeuilles les plus prestigieux et les plus stratégiques de l’exécutif européen.
Renaud Donnedieu de Vabres
Conseiller régional de la Région Centre à partir de 1985, Renaud Donnedieu de Vabres est élu Député d’Indre-et-Loire en 1997. En mai 2002, Jean-Pierre Raffarin le nomme ministre des Affaires européennes. Deux mois après, suite aux élections législatives du mois de juin qui le voient réélu dans sa circonscription, il redevient député. Durant ce mandat, à la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale de 2002 à 2004, il met à profit l’expérience acquise entre 1993 et 1995 au cabinet de François Léotard, Ministre de la Défense. "RDDV" rejoindra le troisième gouvernement Raffarin à la Culture et à la Communication, portefeuille qu’il conserve dans le gouvernement de Dominique de Villepin jusqu’en 2007. Lors de la Présidence française de l’Union au second semestre 2008, il est nommé Ambassadeur pour la culture auprès du Président de la République. Renaud Donnedieu de Vabres est aujourd’hui conseiller municipal de la Ville de Tours.
Noëlle Lenoir
Juriste de formation, Noëlle Lenoir commence sa carrière en tant qu’Administrateur au Sénat, avant d’intégrer le Conseil d’Etat en 1984, puis de devenir directeur de cabinet du Ministre de la Justice, Pierre Arpaillange, de 1988 à 1990. Chargée de mission pour la bioéthique auprès du Premier ministre en 1990, elle est nommée deux ans plus tard, Présidente du Comité international de bioéthique de l’UNESCO. Elle préside parallèlement le Groupe européen d’éthique des sciences et des technologies nouvelles auprès de la Commission européenne. En 1992, elle devient la première femme membre du Conseil constitutionnel, où elle restera pour exercer son mandat de 9 ans. Après avoir enseigné comme "visiting professor" à la faculté de droit de l’Université de Columbia à New York, elle est nommée Ministre des Affaires européennes en 2002, au sein du second gouvernement de Jean-Pierre Raffarin. Son principal dossier est alors l’élargissement aux pays d’Europe centrale et orientale dont les négociations sont entrées dans leur dernière ligne droite. En 2007 elle remet un rapport au Garde des Sceaux sur le statut de Société européenne (SE). Noëlle Lenoir est aujourd’hui avocate au sein d’un grand cabinet international et Présidente du Cercle des Européens.
Catherine Colonna
Ayant choisi la carrière diplomatique, Catherine Colonna traverse l’Atlantique en 1983 pour rejoindre l’Ambassade de France à Washington où elle est deuxième secrétaire, puis adjoint au chef du service de presse et d’information. De retour en France en 1986, elle est chargée des questions européennes et de droit communautaire à la direction des Affaires juridiques du Quai d’Orsay. De 1990 à 1995 elle y sera Directeur de la Presse, de l’Information et de la Communication puis Porte-parole. Sa connaissance des questions européennes et ses compétences dans le domaine de la communication la conduise au ministère des Affaires européennes en 2005 dans le gouvernement de Dominique de Villepin, à un moment critique, après le "non" au Traité constitutionnel. Elle quitte le ministère en mai 2007. Depuis 2008, elle est Ambassadrice de la France auprès de l’UNESCO.