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Les dirigeants européens et le Président américain Barak Obama, réunis autour de la même table lors de la dernière ligne droite des négociations de la conférence de Copenhague qui se tenait du 7 au 18 décembre 2009. 
De gauche à droite : José Manuel Barroso, Président de la Commission européenne, Angela Merkel, Chancelière allemande, Fredrik Reinfeldt, Président en exercice du Conseil de l’UE et Premier ministre suédois, Jean-Louis Borloo, Ministre de l’Ecologie, Nicolas Sarkozy, Président de la République française, Barack Obama, Président des Etats-unis et Gordon Brown, Premier ministre britannique. © Bundesregierung / Steffen Kugler

 

 

Les dirigeants européens et le Président américain Barak Obama, réunis autour de la même table dans la dernière ligne droite des négociations de la conférence de Copenhague qui réunissait, du 7 au 18 décembre 2009, les 192 Etats signataires de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques.

Un processus de négociations internationales de deux années et une conférence de douze jours pour sauver la planète

Depuis la conférence de Bali en décembre 2007, où fut adopté la feuille de route des négociations des Nations Unies sur le climat, le monde a les yeux rivés vers la capitale danoise. Dernière étape d’un cycle de deux ans, la conférence de Copenhague de décembre 2009 devait en effet permettre d’entériner un accord international sur le changement climatique et aboutir à la signature d’un nouveau traité, en remplacement du Protocole de Kyoto qui arrivait à échéance fin 2012. L’absence d’avancée notable lors du rendez-vous intermédiaire que s’étaient fixés les 192 Etats signataires de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) à Poznan, en décembre 2008, a conféré un caractère décisif à la dernière année de négociation. Malgré la pression croissante et l’obligation de résultat, les réunions qui suivirent à Bonn (août 2009) puis à Bangkok (septembre 2009) aboutissaient au même constat d’impasse, contribuant ainsi à reposer ainsi à ériger le sommet de Copenhague en sommet de "la dernière chance pour sauver la planète".

Fin 2008, les membres du Groupe d’experts sur l’évolution du climat (GIEC), auréolés du Prix Nobel de la Paix reçu en 2007, mettaient déjà en garde la Communauté internationale face aux conséquences sur l’environnement de l’"inaction". Mais la crise financière déclenchée à l’été 2008 aux Etats-Unis et étendue à l’ensemble des marchés mondiaux, suivie d’une des plus graves récessions économiques, avait ajouté un obstacle de taille à la conclusion d’un accord ambitieux en matière de lutte contre le changement climatique. D’autres éléments pouvaient pourtant incliner à l’optimisme. L’élection de Barak Obama, le 4 novembre 2008, à la présidence des Etats-Unis d’Amérique soulevait en effet un immense espoir après les années de blocage de l’Administration Bush sur le dossier climatique. De l’autre côté de l’Atlantique, les Européens affichaient leur ambition et leur volonté de conduire le leadership mondial en adoptant le "paquet énergie-climat" en décembre 2008.

Exceptionnelle du point de vue des enjeux, de la mobilisation de la société civile, de la couverture médiatique, de la présence de délégués de 192 Etats, mais aussi de ministres, de députés, d’élus locaux, et enfin de 65 chefs d’Etats et de gouvernements dont ceux des principales puissances économiques mondiales, la conférence de Copenhague a dans un sens tenu toutes ses promesses de plus grand rendez-vous mondial sur le climat. … Un rendez-vous dont les résultats ont en revanche été en deçà des objectifs fixés et des attentes soulevées.

Avancées et limites de l’Accord de Copenhague

Alors qu’après dix jours de négociation entre les 192 délégués aucun progrès significatif n’avait pu être enregistré, les discussions directes entre les chefs d’Etat et de gouvernement, arrivés quelques jours avant la fin du sommet, ont permis d’arracher un accord de dernière minute. Présenté par 26 pays (industrialisés et émergents), mais négocié en réalité à huit clos, entre les États-Unis, la Chine, le Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud, cet accord politique non contraignant n’a pas été formellement signé par les autres 166 pays membres de la CCNUCC. Lors de la dernière séance plénière, ces pays ont en effet simplement "pris note" de l’accord. Certains Etats affirmaient d’ores déjà leur intention de ne pas signer un texte négocié dans leur dos.

Un engagement à limiter la hausse des températures à 2°C d’ici à 2050…

Il s’agit là de la principale mesure contenue dans "l’Accord de Copenhague" ainsi qu’un pas supplémentaire dans la prise de conscience mondiale de la nécessaire lutte contre le changement climatique, ou du moins, du coût de l’inaction. S’apparentant davantage à une déclaration politique qu’à un plan d’action, le document commence ainsi : "We underline that climate change is one of the greatest challenges of our time (…) To achieve the ultimate objective of the Convention to stabilize greenhouse gas concentration in the atmosphere at a level that would prevent dangerous anthropogenic interference with the climate system, we shall, recognizing the scientific view that the increase in global temperature should be below 2 degrees Celsius (…)".

Rappelons qu’en juillet 2009, les membres du G8, réunis en Italie (L’Aquila), avaient approuvé cet objectif des 2°C dans l’intention – faute de mesures plus concrètes - d’étendre cet accord au sein de l’enceinte onusienne, cinq mois plus tard.

Par cette déclaration de Copenhague, la Communauté internationale valide les recommandations des scientifiques du GIEC qui considèrent cette hausse des températures de 2°C (par rapport à 1850, soit l’ère préindustrielle) comme le seuil critique au delà duquel les effets du réchauffement pourraient être dramatiques. Cette reconnaissance et cet engagement des Etats sont d’autant plus importants que la conférence s’était ouverte sur une polémique quant à la crédibilité des analyses scientifiques, soulignant la vigueur du courant "climato-sceptique". Ses porte-paroles contestent notamment l’influence des activités humaines dans le réchauffement climatique et par là même les solutions pour le combattre.

…mais pas d’objectifs chiffrés

Il s’agit là du principal échec de Copenhague. Les Etats sont parvenus à s’entendre sur un objectif commun à long terme (2°C) mais pas sur les moyens d’y parvenir. La déclaration du G8 (de L’Aquila) qui mentionnait à côté des 2°C, une réduction de 50% des émissions mondiales de CO2 d’ici à 2050, avec une réduction de 80% pour les pays industrialisés, n’a pas suffit pour inciter les Etats à mettre sur la table de Copenhague des engagements chiffrés. L’affrontement entre pays développés et pays pauvres ou émergents sur la répartition de l’effort, la crainte de perte de compétitivité ou de souveraineté, l’obstruction des pays pétroliers ou encore la querelle sur l’année de référence (1990 ou 2005) et celle d’arrivée (2020 ou 2050) ont été les principales sources de blocage. Toujours selon les experts du GIEC, les émissions mondiales devraient être réduites de 25 à 40% en 2020 (par rapport à 1990) et de 80% en 2050 pour limiter le réchauffement à 2°C. Bien loin des ces recommandations, les propositions mises sur la table par les pays développés, en amont de Copenhague, étaient dans l’ensemble inférieures à 15%. Seule l’Union européenne avait déjà adopté au sein de ses frontières un objectif contraignant de -20% de GES d’ici à 2020 (paquet energie-climat). Compte tenu de l’absence d’engagement concrets et significatifs de la part des ses partenaires, l’UE s’est toutefois refusée à sortir son va-tout qui consistait à élever ses objectifs à 30% en cas d’accord international.

En dehors de l’UE, la Norvège était l’un des rares Etats à proposer des engagements ambitieux et conformes aux recommandations des scientifiques avec -30% d’ici 2020 par rapport à 1990. A trois mois du Sommet et à la faveur du changement de gouvernement, le Japon - 5ème émetteur mondial - se montrait prêt à rehausser ses efforts en matière de réduction de CO2 si les autres pays développés s’engageaient dans la même voie. Le nouveau Premier ministre Yukio Hatoyama annonçait en effet un objectif de -25% de GES alors que son prédécesseur ne tablait que sur 8%.

Le Président américain proposait de son côté une réduction de 17% d’ici 2020, mais par rapport à 2005, ce qui rapporté à 1990 ne représente plus que 5%. Compte tenu de la faiblesse de l’effort américain, Barak Obama, duquel on attendait pourtant beaucoup, s’est trouvé incapable de tirer les négociations vers le haut et de convaincre les pays les plus réticents – en premier lieu desquels les pays en développement et les grands émergents comme la Chine. Obama était d’autant moins en position de force pour négocier que son plan national de réduction de CO2, aussi modeste fut-il, devait encore passer la barrière du Sénat pour être adopté. Refusant d’entraver son rattrapage économique, alors même que les Etats-Unis se montraient si peu ambitieux, la Chine proposait une réduction de ses émissions de CO2 de 40 à 45% par unité de PIB d’ici 2020, par rapport au niveau de 2005 (ce qui ne réduirait pas mais ralentirait la croissance de ses émissions de CO2).

Faute d’accord chiffré et contraignant, la déclaration de Copenhague stipule que chacun des pays industrialisés devra déposer par écrit ses engagements individuels de réduction de CO2 d’ici au 31 janvier 2010. Les pays en développement devront de leur côté définir des plans d’action pour limiter la croissance de leurs émissions.

Fonds vert pour le climat de Copenhague

La question du financement de la lutte contre le changement climatique a constitué depuis le début du cycle de négociation, la principale pierre d’achoppement et a cristallisé l’opposition Nord - Sud. La conférence de Copenhague a permis sur ce point une avancée notable. D’ici 2020, les pays industriels se sont engagés à verser 100 milliards de dollars par an aux pays en développement pour les aider à réduire leurs émissions et à financer l’adaptation au changement climatique. Les pays industrialisés se sont dores et déjà engagés à verser 30 milliards de dollars d’ici 2012 (11 milliards du Japon, 10,6 milliards de l’UE, et 3,6 milliards des Etats-Unis). Un nouveau fonds sera créé à cet effet : le Fonds vert pour le climat de Copenhague (en 2008, la Banque mondiale a créé deux fonds d’investissement climatiques : le Fonds pour les technologies propres et le Fonds stratégique pour le climat).

Lutte contre la déforestation

Les engagements financiers sont en revanche beaucoup plus vagues concernant la protection des forêts. Les Etats reconnaissent la nécessité "de réduire les émissions liées à la déforestation et la dégradation des forêts", qui selon les scientifiques représentent 20% des émissions mondiales GES. L’accord appuie le système REDD plus (Réduction des émissions provenant de la déforestation et de la dégradation des forêts dans les pays en développement + conservation) sans pour autant préciser les crédits qui y seront alloués.

Entre déception de l’Union européenne et optimisme des Etats-Unis

"Echec historique", "fiasco global", "accord a minima", "point d’étape", les commentaires de la presse à l’issue de la conférence sont aussi nombreux que divers. Tous se rejoignent toutefois autour d’un sentiment d’immense déception. Les 192 Etats impliqués dans ces négociations n’ont pas su surmonter leurs divergences pour relever le défi planétaire qui leur était adressé. C’est en premier lieu du côté des Européens que s’est faite le plus ressentir cette déception. Le Président en exercice de l’UE et Premier ministre suédois, Frederik Reinfeld, déclarait à l’issue de la conférence : "Cet accord ne résout pas la menace que fait planer le changement climatique mais c’est un premier pas et un pas important". Le Président de la Commission européenne, José Manuel Barroso ajoutait quant à lui : "Cet accord est mieux que rien, mais il est clairement en dessous de nos objectifs. Je ne vais pas masquer ma déception". Les principaux chefs d’Etats et de gouvernement européens se montraient quant à eux plus positifs quant aux résultats. Nicolas Sarkozy qui estimait, à deux jours de la fin des débats, que la conférence allait "à la catastrophe", qualifiait la déclaration finale de "meilleur accord possible". Pour la Chancelière allemande, Angela Merkel, "Copenhague est un premier pas vers un nouvel ordre climatique mondial, pas plus, pas moins non plus".

Compte tenu de l’immense et dans un sens irrationnelle attente qui reposait sur les épaules du Prix Nobel de la Paix 2009, Barak Obama est certainement celui qui a le plus déçu. Ses marges de manœuvres très limitées ne lui permettaient pourtant pas d’adopter une position beaucoup plus ambitieuse, mais juste d’autoriser encore l’espoir du changement. De retour à Washington, celui-ci déclarait ainsi : "Issue de négociations extrêmement difficiles et complexes, cette percée importante établit les fondations d’une action internationale pour les années à venir".

Hôte de ces négociations, le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, considérait enfin : "Ce n’est peut-être pas tout ce que nous espérions, mais cette décision de la conférence des parties est une étape essentielle. Nous devons maintenant transformer cet accord en traité contraignant".

Copenhague, un accord à transformer

Au vu des deux années de négociation sur le climat on peut certes considérer avec lucidité qu’un accord entre les 192 Etats sur des objectifs contraignants de réduction des émissions de CO2 aurait relevé du miracle. Dans ce sens, l’engagement des principaux pays industriels et en développement à limiter le réchauffement à 2°C, à poser les bases d’un système équilibré de financement, et à lutter contre des pratiques comme la déforestation, constituent des avancées. Les décisions les plus difficiles et les plus cruciales restent en revanche à prendre. Le 31 janvier constituera à cet égard un premier test de la volonté politique des Etats. Mais l’absence de nouvel échéancier visant à aboutir à l’adoption d’un traité contraignant d’ici la prochaine conférence sur le climat de l’ONU à Mexico, en décembre 2010, peut d’ores et déjà être considéré comme un signe négatif.

L’Accord de Copenhague ne pourra par ailleurs être considéré comme "un premier pas vers un nouvel ordre climatique mondial" que s’il parvient à entrainer l’ensemble des Etats dans un cadre commun. Le déroulement de la conférence de Copenhague est de ce point de vue venu confirmer les limites du système de négociation multilatérale de l’ONU, comme l’avait déjà mis en lumière la conférence de Bali en décembre 2007. L’accord qui sauve la face de la conférence a en effet été négocié au sein d’un "G20 élargi" ou du "G2 Etats-Unis-Chine".

L’Union européenne marginalisée ?

L’Union européenne apparaît comme l’une des grandes perdantes de Copenhague. Arrivée avec de grandes ambitions et déterminée à peser sur les négociations, elle a semblé sans réelle influence et même marginalisée lors du tête à tête entre les Etats-Unis et les grands émergents. L’absence de véritable cohésion entre les Etats membres les plus influents de l’UE et la difficulté de la Présidence suédoise a faire entendre sa voix à considérablement joué dans cet effacement. Faut-il toutefois s’étonner que les deux plus gros émetteurs mondiaux que sont les Etats-Unis et la Chine aient façonné l’accord ? On peut d’ailleurs considérer que la plus grande avancée de cette conférence réside dans la présence de ces deux grandes puissances au centre des négociations climatiques alors qu’elles refusaient jusqu’alors de prendre part au Protocole de Kyoto. La dynamique insufflée par l’Union européenne depuis plusieurs années n’a certainement pas été étrangère au changement d’attitude des Etats-Unis et de la Chine qui pour la première fois en amont de Copenhague, présentaient des plans chiffrés de réduction de CO2. Le plus dur restant à faire pour parvenir à un accord mondial sur le climat, l’Union européenne , fortes de ses engagements, a encore une carte à jouer. Angela Merkel a lancé une première pierre en proposant d’accueillir une conférence intermédiaire en Allemagne, avant le rendez-vous de Mexico. Si cette initiative pouvait être relayée par les 27, l’Union européenne trouverait une première occasion de se faire entendre.

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