Commissaire européen durant dix années successives, de 1989 à 1999, Karel van Miert s'est notamment illustré en tant que Commissaire à la Concurrence au sein de la Commission Delors et Santer. © Communauté européenne 2009
Commissaire emblématique de l’ère Delors, successivement responsable des Transports puis de la Concurrence, avec le titre de Vice-président, reconduit à ce poste sous la présidence de Jacques Santer, Karel van Miert, ancien Député européen et grande figure du socialisme en Belgique, est décédé accidentellement le 22 juin 2009.
L’actuel Commissaire européen belge, en charge en charge du Développement et de l’Aide humanitaire ; Louis Michel, lui à rendu hommage en soulignant que : "Karel Van Miert était une figure, un véritable pilier de l’édifice européen. Son travail durant dix ans à la Commission européenne laisse au sein de l’exécutif européen le souvenir impérissable d’un homme de bien, d’un homme de qualité, d’un homme qui aimait les échanges et la confrontation d’idées (…) Son décès constitue une immense perte pour la Belgique et pour l’Europe".
Une enfance à la ferme et l’amour de la vie à la campagne
Karel van Miert est né le 17 janvier 1942 à Oud Turnhout, une commune néerlandophone dans la province d’Anvers, en Flandre. Aîné de 9 enfants au sein d’une famille d’agriculteurs, il n’était pas a priori prédestiné à avoir la prestigieuse carrière politique qui fut la sienne. Dès l’âge de 14 ans, il quitte le collège pour aller travailler au sein de l’exploitation familiale, non par obligation mais parce qu’il "adorait la vie à la campagne". L’hiver, lorsque le travail manque à la ferme, il s’essaye à différents métiers dont celui d’électricien. Puis, il décide de reprendre ses études, qui finalement le conduiront jusqu’à la Commission européenne. Karel van Miert, c’est bien l’antithèse du "technocrate de Bruxelles" coupé des réalités du terrain. Il déclare lui-même à ce propos : " les années passées à la ferme m’avaient donné une grande expérience sur le terrain. Et comme je travaillais aussi dans des entreprises, j’ai pu me rendre compte de la condition ouvrière" (Propos recueillis par le quotidien belge, Le Soir, en août 1993).
Des études universitaires brillantes et un thème de recherche annonciateur : "Le caractère supranational de la Commission européenne"
A l’Université de Gand, il se dirige vers le droit, puis vers les sciences diplomatiques. "À l’époque, je m’intéressais déjà à la Communauté européenne, j’étais déjà un Européen convaincu" (Ibid). En pleine guerre froide, ce ne sont pas en effet les relations internationales qui le passionnent, mais la construction européenne, et plus particulièrement son organe moteur, la Commission, institution à laquelle il consacre sa thèse, sous le titre "Le caractère supranational de la Commission européenne". Une véritable profession de foi !
Il poursuit ses études au Centre européen universitaire de Nancy, où il fera une rencontre décisive, celle d’Emile Noël, alors Secrétaire général de la Commission européenne, qui lui propose un stage au sein de l’exécutif européen. Il l’effectue en 1967, et sa vocation européenne s’affirme lorsqu’il intègre ensuite le Fonds national pour la recherche scientifique, ce qui lui permet de travailler auprès de plusieurs Commissaires. Il a l’occasion de travailler pour une autre personnalité emblématique de la scène européenne, le Néerlandais Sicco Mansholt, alors Vice Président chargé de l’Agriculture (portefeuille qu’il occupe de 1958-1972 avant de devenir Président de la Commission). En 1973, Karel van Miert devient membre du cabinet du Commissaire belge à l’Energie, également Vice Président de la Commission, Henri Simonet. Pour le jeune militant socialiste qu’est Karel van Miert, le travail aux côtés de l’ancien bourgmestre socialiste d’Anderlecht, devenu ministre des Affaires étrangères à la suite de son mandat à la Commission, est un atout important pour son ascension sur le plan national.
Une figure du parti socialiste belge
Après avoir été secrétaire politique national chez les Jeunes Socialistes entre 1970 et 1973, Karel van Miert va très vite s’imposer au sein de son parti. Secrétaire national adjoint, chargé des affaires internationales en 1976, il devient un peu plus d’un an plus tard, Co-président du Parti socialiste. Jusqu’alors le seul parti unitaire dans un paysage politique belge marqué par les divisions linguistiques et communautaires, le parti socialiste se divise en 1978 entre une branche francophone et une branche flamande, dont Karel van Miert devient le premier Président, poste qu’il occupera jusqu’en 1989. Ce dernier ne perd pas pour autant de vue la dimension européenne de son engagement. Il est parallèlement en effet Vice-président de l’Union des partis socialistes de la Communauté européenne.
Du Parlement européen à la Commission
La première élection du Parlement européen au suffrage universel en 1979 lui fournit l’occasion de faire son entrée sur la scène parlementaire européenne. Après un premier mandat, sa réélection triomphale en 1984 s’inscrit dans la forte progression des socialistes belges au sein du Parlement. Paradoxalement, cette victoire va l’inciter à rejoindre son parlement national. Il y reste député de l’arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde jusqu’en 1988.
Pour lui, sa désignation en janvier 1989 comme Commissaire européen est une consécration. Il est d’abord en charge du portefeuille des Transports, des consommateurs, des crédits et des investissements, qui a toute son importance dans le contexte d’achèvement du marché intérieur. L’Acte unique a été adopté quelques temps auparavant, et c’est la phase de lancement de l’Union économique et monétaire. En janvier 1993, Karel van Miert devient Commissaire à la Concurrence au sein la troisième Commission présidée par Jacques Delors. Lorsque Jacques Santer succède à celui-ci en janvier 1995, Karel van Miert est encore reconduit dans ses fonctions. Compte tenu du rôle décisionnaire de la Commission en tant qu’autorité de concurrence, le poste de Commissaire chargé de ce secteur est à la fois prestigieux et redouté. Karel van Miert va y exceller, autant qu’il est craint. Il gère de grands dossiers comme celui du sauvetage du Crédit Lyonnais, de la fusion des géants allemands des médias Kirch et Bertelsmann ou encore du rapprochement des deux constructeurs aéronautiques américains Boeing et McDonnell.
Le constat amer d’une Commission affaiblie
Karel van Miert se retire de la vie politique à la fin de son mandat à la Commission en 1999. Il reste influent au sein du Parti socialiste flamand (SP.A) et est particulièrement attentif à l’évolution de l’intégration européenne. Il en déplore les ratés et les incertitudes. Lors d’une interview au journal Le Vif en mars 2009 , il déclare à propos de la réponse européenne à la crise : "Il est clair que l’Europe n’est pas à la hauteur. On paye le prix d’une évolution qui date de la fin des années 1990. On a sciemment affaibli la Commission européenne, qui représente l’intérêt commun. Les responsables sont nombreux, à commencer par l’Allemagne de Schröder et la France de Chirac, sans même parler des Britanniques. La Commission est très affaiblie" (lire son interview en intégralité.) Face à la montée de l’euroscepticisme et aux tentations de remettre en cause le projet européen, l’ancien Commissaire avait toutefois à cœur de mettre en avant l’œuvre accomplie depuis plus de 50 ans : "Si on observe tout ce qui a été réalisé depuis les années 1950, le résultat est quand même impressionnant (…) Vous imaginez dans quel état serait l’Europe aujourd’hui, en pleine crise financière, si nous n’avions pas le marché unique et l’euro ?".
Journée portes ouvertes des institutions européennes présentes à Bruxelles, à l’occasion de la fête de l’Europe du 9 mai 2009. José Manuel Barroso à la tribune, en présence de Louis Michel, actuel Commissaire belge au Développement et de l’Aide humanitaire, Karel Van Miert, Etienne Davignon, ancien Commissaire belge au Marché intérieur et Vice Président de la Commission (1981-1985), et Herman van Rompuy, actuel Premier ministre belge.
Le Cercle rend hommage à l’homme qui a marqué l’histoire de l’Europe, à celui dont l’engagement sincère a permis de faire progresser l’intégration européenne, dans le grand marché intérieur, à celui qui a surtout contribuer avec tout son cœur à bâtir une Union sans cesse plus étroite entre les cultures et les citoyens européens.