Président de la Commission européenne depuis octobre 2004 et candidat à sa propre succession, l’ancien Premier ministre Portugais, José Manuel Barroso, a été reconduit pour un second mandat suite au vote d’approbation du Parlement européen lors de sa session plénière du 16 septembre 2009. ©Parlement européen
Candidat à sa propre succession, José Manuel Barroso, a été reconduit pour un second mandat la tête de la Commission européenne suite au vote d’approbation du Parlement européen réunit en session plénière le 16 septembre 2009.
Après avoir réussi à imposer un véritable débat sur le programme du candidat proposé par les chefs d’Etat et de gouvernement à la présidence de la Commission européenne, les députés européens se sont prononcés en faveur de la reconduction de José Manuel Barroso. Ne souhaitant pas voir cette procédure expédiée dès la session inaugurale du Parlement européen le 14 juillet 2009, les députés avaient en effet alors décidé de reporter le vote en septembre et d’exiger du candidat Barroso un programme détaillé de ses priorités politiques pour cinq années à venir. Dans un contexte de crise économique et sociale, de recherche de réforme du système financier international et de lutte contre le réchauffement climatique, les attentes des députés européens à l’égard du futur président de l’exécutif européen étaient nombreuses.
Un Président élu à la majorité absolue
La candidature de José Manuel Barroso a été approuvée par 382 voix sur un total de 718 votant et de 736 députés que compte l’assemblée. 219 d’entre eux se sont prononcés contre et 117 se sont abstenus. Alors que ce vote se déroulait sous les règles du traité de Nice , c’est-à-dire à la majorité simple, le large soutien apporté à la candidature de M. Barroso lui aurait également permis d’être élu selon les critères plus stricts du traité de Lisbonne. Ce traité prévoit en effet une élection à la majorité des membres composant le Parlement européen et non à la seule majorité des votants (procédures prévues par les deux traités). Si certains députés européens réclamaient un report du vote après le référendum irlandais sur le traité de Lisbonne, arguant que si ce traité entrait en vigueur, les règles d’élection du président de la Commission seraient plus démocratiques, la majorité absolue obtenue par José Manuel Barroso lui permet d’éteindre toute contestation quand à la légitimité de son élection. Celui-ci sort même renforcé de cette épreuve démocratique.
Avant José Manuel Barroso, seuls l’Allemand Walter Hallstein (1958-1967) et le Français Jacques Delors (1985-1995) avaient exercé deux mandats consécutifs à la tête de l’exécutif européen. Lorsque José Manuel Barroso s’était présenté pour la première fois devant les députés européens en tant que candidat à la présidence de la Commission, le 22 juillet 2004, il avait recueilli 413 voix pour, 251 contre et 44 abstentions.
Quatre mois de débats conclus par un dernier plaidoyer en session plénière du Parlement
Le vote a eu lieu à bulletin secret, rendant ainsi difficile le strict respect des consignes de vote au sein de chaque groupe politique et par là même, l’analyse précise des résultats du vote. Pour autant, les débats qui se sont amplifiés de juin à septembre permettent de dégager les grandes tendances au sein des différentes formations politiques. Dès le lendemain des élections européennes, la désignation du président de la Commission européenne figurait en effet en tête des priorités des députés. Les groupes politiques ont tout d’abord présenté leurs revendications concernant les priorités de la prochaine Commission. Le débat a véritablement été lancé le 3 septembre, lors de la publication par le candidat Barroso de son programme politique pour le prochaine Commission. C’est ensuite devant les quatre principaux groupes (PPE, S&D, ADLE et Verts/ALE) que José Manuel Barroso a débattu des grandes lignes de son programme, lors d’auditions tenues à huis clos, sauf dans le cas des Verts/Alliance libre européenne qui avaient accepté les caméras. Le Président sortant a enfin prononcé un dernier discours devant les députés réunis en plénière, la veille du vote, à quoi ont répondu les Présidents de groupes politiques.
Le soutien du Parti populaire européen à son candidat
Candidat officiel du Parti populaire européen (PPE) lors des élections européennes de juin dernier, José Manuel Barroso a principalement bâti sa réélection sur les voix des 265 élus du groupe politique le plus puissant de l’hémicycle. Répondant à la question de l’éventualité de votes rebelles au sein du PPE suite à quelques voix discordantes qui s’étaient fait entendre à droite, le Président du PPE, Joseph Daul estimait que 98% de ses collègues soutiendraient la candidature du Président sortant. En séance plénière du 15 septembre, il, rappelait toutefois que les députés du PPE ne se situait pas dans une logique de soutien inconditionnel au Président de la Commission, fût-il de droite : "ce ne sera pas un chèque en blanc et l’action de la Commission devra être conforme à nos attentes".
L’ADLE de Guy Verhofstadt obtient des garanties importantes en l’échange de soutien
Outre le soutien du PPE, José Manuel Barroso a pu compter sur les voix de la grande majorité des membres du groupe ADLE (84 élus), et ce en dépit du refus des élus du Modem français de soutenir cette candidature. Le soutien des libéraux était pourtant loin d’être acquis. Le Président du groupe, Guy Verhofstadt, a même pendant un moment été présenté comme le plus sérieux rival à José Manuel Barroso. Il aurait alors bénéficié du soutien des Verts et de la gauche. Plutôt que de nourrir cette ambition, l’ancien Premier ministre belge a préféré peser de tout son poids pour instituer une procédure de désignation du futur Président de la Commission plus démocratique, donnant un plus grand rôle au Parlement européen, ce qui est au cœur du projet et des valeurs de l’ADLE. Il s’agissait également d’imposer au cœur de l’agenda de la prochaine Commission les idées défendues par les libéraux (exigences contenues dans une lettre adressée à José Manuel Barroso, le 15 juillet 2009). Il faut y voir une preuve de réalisme de la part d’un responsable politique ayant déjà pu jauger le poids des équilibres politiques propres à l’Union européenne. En 2004, il avait en effet été candidat à la succession de Romano Prodi. Or bien que soutenu par le France et l’Allemagne (en les personnes de Jacques Chirac et Gerard Schröder), il avait fait les frais du veto du Premier ministre britannique, Tony Blair, soucieux d’imposer un candidat favorable à la guerre en Irak et non partisan d’une conception fédéraliste de l’Europe. José Manuel Barroso avait été le candidat du consensus à la suite de ce veto.
A l’issue de la présentation du programme de José Manuel Barroso puis de son audition devant les membres de l’ADLE, Guy Verhofstadt déclarait en plénière appuyer la candidature de ce dernier après avoir obtenu satisfaction sur des demandes clés du groupe comme la création d’un nouveau portefeuille pour les droits fondamentaux et la non-discrimination, une plus grande coordination des plans de relance, une meilleure supervision financière ou encore la défense d’un budget alimenté par des ressources propres.
Le soutien embarrassant des eurosceptiques du CRE
Le Président sortant de la Commission européenne a enfin bénéficié du soutien, beaucoup plus embarrassant, du nouveau groupe des Conservateurs et réformateurs (CRE) aux tendances eurosceptiques. Ce groupe politique a été formé à l’initiative des Conservateurs britanniques qui, opposés à toute direction fédérale de l’Union européenne, ont quitté le groupe du PPE au sein duquel ils siégeaient historiquement. Ils ont été rejoints par deux formations farouchement opposés au traité de Lisbonne : les députés tchèques de l’ODS, le parti du Président Vaclav Klaus et les députés polonais du PiS, le parti des frères Kaczyński.
Divisés et affaiblis, les socialistes s’abstiennent
Les divisions des socialistes ont enfin contribué à la large victoire de José Manuel Barroso. Pourtant critiques à l’égard du Président sortant, taxé d’immobilisme en même temps que d’ultra libéralisme, les socialistes n’ont pu s’entendre sur un candidat alternatif à la présidence de la Commission. Le revers subi lors des élections européennes de juin a de plus considérablement limité leur influence dans le débat. Lors du vote du 16 septembre en plénière, les membres du groupe des socialistes et démocrates (S&D) ont ainsi dans l’ensemble préféré s’abstenir, tandis que les 21 députés espagnols et les 7 portugais jouaient, eux, la carte ibérique en votant pour José Manuel Barroso.
Consignées dans un document intitulé "11 exigences pour la nouvelle Commission" , les attentes des socialistes et démocrates vis-à-vis du candidat conservateur étaient centrées sur le social et l’emploi. Deux thèmes que José Manuel Barroso a tenu à placer au centre de son discours devant les députés.
Le front anti-Barroso mené par les Verts
Le co-président du groupe des Verts/Alliance libre européenne (ALE), Daniel Cohn-Bendit, avait quant à lui clairement indiqué en plénière qu’il refuserait de voter en faveur de la reconduction de José Manuel Barroso : "Nous n’avons pas confiance en vous (…) nous méritons quelqu’un de mieux que vous". Pour Daniel Cohn-Bendit, "la politique de dérégulation" conduite par le Président de la Commission européenne "incarne l’idéologie qui est à l’origine de la crise et non la réponse". Le leader des Verts a de plus estimé que "la réponse à la crise financière et économique doit être en même temps une réponse à la crise écologique", opposant à cela les "mesurettes" mises en place par la Commission. Bien qu’ayant participé au vote, le groupe était enfin fondamentalement opposé à la tenue de celui-ci le 16 septembre. Comme indiqué dans ses demandes à la prochaine Commission européenne, le groupe des Verts/ALE était en effet favorable au report de l’investiture du président de la Commission européenne après le résultat du référendum irlandais prévu le 2 octobre. Selon eux, "le Président et tous les commissaires constituent un collège unique et indivisible qui devrait être élu selon des règles identiques".
Le Président du groupe de la Gauche unitaire européenne (GUE/NGL), l’Allemand Lothar Bisky s’est lui aussi fermement opposé, au nom de son groupe, à la reconduction de José Manuel Barroso estimant que celui-ci n’était pas le bon candidat pour une "Europe sociale, pacifique et écologique".
Le nouveau Groupe Europe de la liberté et de la démocratie (ELD), regroupant des partis eurosceptiques ou d’extrême droite, avait annoncé par la voix de son co-président, Nigel Farage, son intention ne pas participer au vote tant que les Irlandais ne se seraient pas prononcés sur le traité de Lisbonne.