Le Cercle des Européens...
Pour une Europe réunie...
Dans la perspective du bilan de santé de la PAC, Michel Barnier a défendu les fondements de cette politique, "représentative d’un choix d’organisation de l’Europe".
Michel Barnier a tout d’abord insisté sur le fait que "le comportement de la France est souvent paradoxal vis à vis de l’Europe, car nous agissons comme si nous étions en dehors ou à côté de l’Europe" il faut "créer un dialogue normal et naturel sur les questions européennes qui ne sont plus des questions de politique étrangère".
Pour lui "l’affaire de la directive Bolkestein" est particulièrement significative de ce point de vue. Il en connaît bien le processus puisqu’il était alors Commissaire européen (à la Politique régionale) lorsqu’elle a été adoptée par les Etats membres. Fruit d’un "débat collégial" au sein de la Commission et "d’un compromis entre des positions plus ou moins libérales de la part des gouvernements nationaux", la proposition de directive a été rendue publique en janvier 2004. Alors que la procédure de discussion s’est déroulée dans la plus grande transparence, elle n’est devenue un objet de débat en France qu’en mai 2005, dans le contexte du référendum sur le projet de Traité constitutionnel, soit dans "une période électorale ou l’on ne peut plus rien contrôler". "Pas un mot" en France sur cette directive pendant toute une année durant laquelle elle est passée en Conseil des ministres, au Parlement européen et que des élections européennes, ayant permis d’en débattre ouvertement, avaient eu lieu en juin 2004 ! Pour remédier à tels dysfonctionnements, Michel Barnier a rappelé qu’il avait proposé que toutes les propositions de directives de la Commission fassent l’objet d’une communication de la Représentation permanente de la France à Bruxelles adressée tant au gouvernement qu’aux parlementaires de l’Assemblée et du Sénat français. Selon le ministre il est de l’intérêt du projet européen en particulier et de la démocratie en générale d’élargir le débat sur l’Europe en France.
"Seul ministre du gouvernement dont la politique est totalement européenne", Michel Barnier en charge de l’agriculture et de la pêche a souligné la particularité de son domaine de compétence à savoir que "Tous les problèmes sont locaux et pourtant toutes les solutions se trouvent à Bruxelles !".
Premier objectif du ministre : "remettre le ministère en mouvement" Inscrite dans le cadre de la Révision générale des politiques publiques, lancée par le Président de la République et mise en œuvre par le ministre du Budget, Eric Woerth (voir Intervention d’Eric Woerth) la réforme comporte la fusion des Directions départementales de l’équipement et de l’agriculture, le renforcement de l’échelon régional, la fusion des corps d’ingénieurs (Ponts et Chaussées, Agriculture et Forêts), tout ceci en s’efforçant de remédier à la dispersion des agents afin de "créer davantage de synergies". Il s’agit de mieux répondre aux objectifs stratégiques du ministère que sont l’alimentation, le développement rural , et bien sûr l’agriculture et la pêche proprement dits. Ces objectifs sont européens : "la politique agricole, à travers le marché unique, étant l’une des plus anciennes et la seule véritable politique économique européenne, en terme de mutualisation des politiques nationales, de budget et d’actions communes". Elle symbolise une Europe qui parvient à mutualiser des politiques nationales tout en respectant les Etats Nations, leurs traditions et leurs langues.
Ce moment de vérité est lié à la ratification et à la mise en œuvre du traité de Lisbonne, dont Michel Barnier a tenu à préciser qu’il n’était "n’avait pas l’ambition de feue la Constitution" et qu’il devait plutôt être considéré comme "une boîte à outil absolument nécessaire pour fonctionner, travailler, décider et se parler à 27". Parmi les principales innovations institutionnelles, le ministre a évoqué la création d’une présidence stable du Conseil et du poste de Haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité. Ce dernier permettra à l’Union européenne de se doter d’une véritable "culture diplomatique commune" et de "réunir dans les mêmes mains l’initiative politique et les moyens économiques". Le futur Haut Représentant se substituera en effet au Haut Représentant de l’UE pour la Politique étrangère et de sécurité commune (Javier Solana) et au Commissaire chargé des relations extérieures (Benita Ferrero-Waldner), puisque tout en étant désigné par les Etats, il occupera la fonction de vice-président de la Commission (double casquette).
L’extension des "coopérations renforcées" dans le Traité de Lisbonne constitue également aux yeux de Michel Barnier une avancée majeure. Tout en restant dans "un cadre commun", qui est l’acquis communautaire, ce mécanisme permettra à "un groupe de pays de partir en éclaireur", pour guider le chemin, a-t-il tenu à préciser. Il a cité la mission dont il avait été chargé par le président de la Commission José Manuel Barroso sur la création d’une "Force européenne de protection civile". Alors que la Chine et la Birmanie ont été frappées par de terribles catastrophes naturelles, cette force permettrait de mutualiser les ressources des Etats et d’envoyer des contingents de secours sous le même uniforme. Dans des circonstances aussi dramatiques que celles que connaissent actuellement ces deux pays, le ministre s’est demandé pourquoi une action si juste n’était pas encore mise en œuvre.
L’alternative est claire selon Michel Barnier : "Veut-on faire de l’Europe un simple acteur régional et une zone de libre-échange ou bien veut on faire de l’Europe un acteur global et une puissance politique ?". "Mon choix est fait depuis longtemps" car les Européens doivent être "acteurs de leur propre avenir". Dans les vingt ans à venir "les grands acteurs du monde" resteront ou seront les Etats-Unis, la Chine, l’Inde, la Russie, le Brésil… mais où sera l’Union européenne ? Seule une prise de conscience que "la force commune est supérieure à l’addition des forces nationales" permettra à l’Europe de répondre au défi de la mondialisation et de compter parmi les grands acteurs du monde.
"Les politiques communautaires sont au milieu de ce carrefour" a souligné le ministre de l’agriculture : soit l’on continue l’intégration en approfondissant l’acquis et en ajoutant de nouvelles politiques communes, soit l’on choisit le "soft law" et la coopération intergouvernementale.
La politique agricole commune (PAC) permet selon Michel Barnier, d’une part de défendre le modèle alimentaire européen et d’autre part de préserver une agriculture des territoires. "Nous tenons à notre modèle alimentaire", fondé sur la qualité, la diversité et la traçabilité ainsi que sur le refus d’une agriculture industrialisée ou aseptisée, a-t-il souligné. Aussi est-il déterminé à s’opposer à l’importation en Europe des poulets chlorés venant des Etats-Unis. "Les Américains ont leur modèle alimentaire mais cela ne nous oblige pas à l’importer chez nous", d’autant que le modèle européen ne coûte pas plus au travers de la PAC que 100 euros par an et par habitant.
Le bilan de santé de la PAC et les propositions de réforme de la Commission dont il est assorti ont déjà donné lieu à un début de négociations. Si le besoin d’adaptation et de rénovation de la PAC est incontestable encore faut-il selon Michel Barnier éviter le démantèlement de ses instruments "au nom du tout libéral". Reprenant une expression du Président de la République, il a indiqué, à propos du Farm Bill américain et ses dizaines de milliards de dollars d’aides agricoles, qu’il fallait se garder de toute "naïveté".
La réforme en cours vise essentiellement à rééquilibrer les aides, mais il ne faut pas aller vers un modèle industrialisé. La France compte proposer la création d’un système européen de gestion de crise, pris en charge par une partie des crédits de la PAC et le secteur de l’assurance. Il s’agirait de protéger l’activité et le revenu des agriculteurs et des pêcheurs qui ne bénéficient d’aucune assurance alors même qu’ils sont les plus exposés aux aléas, notamment climatiques et économiques.
Concernant l’envolée des prix des denrées alimentaires, Michel Barnier a considéré que ces prix, comme ceux de toutes matières premières, resteraient "durablement élevés" du fait d’une demande supérieure à l’offre. Pour nourrir une population mondiale de 9 milliards d’habitants en 2050, la production agricole devra vraisemblablement être doublée. Il s’agit d’une bonne et d’une mauvaise nouvelle pour l’Europe et pour la PAC. D’un côté cette situation renforce la dimension stratégique de la PAC, dans le sens où "l’activité de produire redevient une véritable nécessité". D’un autre côté, les agriculteurs, et plus particulièrement les éleveurs, souffrent considérablement des hausses de prix.
La PAC constitue le seul moyen dont dispose l’Union européenne pour faire face à cette crise, a affirmé Michel Barnier. Elle fournit des "outils d’intervention et de stabilisation du marché". Des mesures ont également été prises pour augmenter la production : suppression des jachères et suppression de taxes à l’importation.
Michel Barnier a souligné la nécessité d’un partenariat entre l’Europe et les organisations internationales, comme le G8, le FMI, la Banque mondiale, l’OMC, la FAO, où l’on peut débattre de la crise alimentaire. Cette gouvernance mondiale sur les questions agricoles permettrait aux acteurs mondiaux de se coordonner. La France fera d’ailleurs une proposition en ce sens lors du prochain sommet mondial de l’alimentation de la FAO à Rome le 9 juin 2008. A noter dans le même esprit que Robert Zoellick, directeur général de la Banque mondiale, a pour la première fois depuis 25 ans fait figurer l’agriculture dans l’agenda de l’institution. Sur le sujet des OGM, Michel Barnier a nettement pris parti en faveur de la recherche, car les caractéristiques des plantes OGM sont très intéressantes, tout en rappelant qu’il n’y avait pas d’OGM "commerciaux" en France.
Enfin, il a indiqué que la réforme de la PAC ne donnait lieu à aucune divergence entre la France et l’Allemagne, mais à de simples différences. Concernant le plafonnement des aides, l’Allemagne y était plus sensible que la France en raison de l’existence de très grandes exploitations allemandes. "Angela Merkel et moi-même étions collègues comme ministres de l’environnement et nous nous connaissons bien", et de conclure par une note d’optimisme sur la conclusion d’un accord sur la réforme de la PAC en novembre 2008, sous présidence française.
Même note d’optimisme chez les responsables irlandais concernant les résultats du référendum irlandais programmé pour le 12 juin 2008 au vu des dernières tendances de l’opinion irlandaise ( 41% pour le oui, 33% contre et 26% d’indécis, d’après un récent sondage.) En visite en Irlande, Michel Barnier a constaté que l’agriculture était au centre de la campagne, les Irlandais craignant que les intérêts de l’Europe ne soient bradés à l’OMC. La France n’est donc pas la seule à marquer son attachement à la PAC et au modèle européen qu’elle représente !
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