Le Cercle des Européens...
Pour une Europe réunie...
Au lendemain du Conseil européen de Lisbonne et de la signature officielle du Traité modificatif par les 27, Jean-Pierre Jouyet a commenté cette étape décisive ainsi que les autres grands dossiers à l’agenda européen.
"Quintessence du grand commis de l’Etat" et « d’un Etat moderne", sont les mots avec lesquels la Présidente du Cercle des européens, Noëlle Lenoir, a présenté le ministre des Affaires européennes. Marquant le « retour de la France en Europe », Jean-Pierre Jouyet est venu dresser le bilan du Sommet de Lisbonne du 13 décembre au cours duquel a été signé le futur nouveau traité européen. Puis il a précisé les priorités de la présidence française de l’Union pour le second semestre 2008, tout en insistant sur les défis majeurs auxquels ont aujourd’hui à faire face les Européens.
Jean Pierre Jouyet a d’emblée souligné l’importance de la signature au Conseil européen de Lisbonne du traité « réformateur » au regard de l’avenir de la construction européenne. Si l’on ne peut pas parler de véritable relance de l’Union européenne « dans sa globalité", l’engagement du processus de ratification de ce nouveau traité met fin à une période de "15 ans de doutes" sur le devenir de l’Europe. Depuis le traité de Maastricht de 1992 qui a fait faire un saut qualitatif dans le sens de l’intégration politique européenne, les Européens avancent "en tâtonnant". Ils s’interrogent sur les adaptations nécessaires des institutions européennes dans le cadre d’une Union élargie.
Comment éviter que la machine européenne se grippe lorsque les Etats ne sont pas entièrement d’accord sur un sujet ? Comment dynamiser les politiques communautaires ? Pour répondre à cette nécessité, à l’heure de la globalisation, le traité réformateur étend le champ des décisions prises à la majorité qualifiée des Etats et consolide les institutions en instituant un Président du Conseil européen « à temps plein » élu pour deux ans et demi (renouvelables) et un Haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères, dépendant du Conseil européen tout en étant membre de la Commission européenne, qui sera doté d’un service diplomatique propre.
L’accord de Lisbonne est d’autant plus symbolique que le traité réformateur est le premier traité européen à être signé par les Etats membres du continent réunifié. Jean Pierre Jouyet a par ailleurs qualifié de véritable "prouesse" la négociation de ce traité en un temps record, alors même qu’il a fallu surmonter les réticences de certains Etats (Pologne sous l’ancien gouvernement, et Royaume-Uni)
La signature du traité est également marquante du fait de la Charte des droits fondamentaux qui y est annexée. Proclamée solennellement la semaine dernière au Parlement de Strasbourg, elle crée pour les citoyens "un espace de droits et de libertés sans équivalent dans le monde".
Depuis le début, l’Europe est promue par une dynamique institutionnelle qui repose sur une certaine vision du devenir commun des Européens. Les turbulences qui ont affecté l’Union européenne après le double non français et néerlandais au référendum sur le traité constitutionnel et l’existence d’une plus grande diversité entre les Etats membres ont brouillé l’horizon européen. Que veulent les Européens ? Comment voit-il leur destin commun ? C’est le manque de vision à long terme qui a conduit le Président de la République française à proposer la création d’un groupe de sages chargés de réfléchir au futur de l’Europe à échéance 2020/2030. La création de ce groupe, qui sera présidé par Felipe Gonzalez, ancien Premier ministre espagnol et dont les deux vice-Présidents seront Vaira Vyke Freiberger, ancienne Présidente de la République de Lettonie et Jorma Ollila, ancien Président de Nokia, est un acte majeur du Conseil européen de Lisbonne. Il est temps en effet pour les Européens d’être au clair sur "l’essence du projet européen" et sur la substance du "rêve européen". Rappelant que le projet européen avait été initialement fondé sur l’établissement de la paix sur le continent, Jean Pierre Jouyet a souligné l’urgence de trouver un "nouveau ciment pour l’Europe".
L’Union européenne doit en outre mettre en œuvre, dans la ligne de l’agenda de Lisbonne défini en l’an 2000 pour faire de l’Europe « l’économie de la connaissance la plus compétitive », une stratégie de développement pour les années à venir. Le ministre à souligné que dans un contexte où "les forces poussant à des intégrations différenciées sont de plus en plus importantes", il fallait repenser les moyens de renforcer la cohésion de l’Europe. Il faut pouvoir répondre au « défi de l’attractivité » du site Europe.
Concernant la poursuite de l’élargissement de l’Europe, il convient selon lui de réfléchir à ce que pourrait être un nouveau mode d’intégration des nouveaux pays, car l’Europe demeure un ensemble très attractif. Les demandes d’adhésion sont multiples, de même que les demandes d’accords d’association. Il faut enfin développer des partenariats. Croissance et immigration, les deux défis majeurs
S’agissant de la stratégie de Lisbonne, Jean Pierre Jouyet a mis en avant les nouveaux défis que l’Union européenne devait relever : dynamiser la croissance et mettre l’accent sur la formation et le développement de l’usage des nouvelles technologies de l’information et de la communication. La Stratégie de Lisbonne a été enrichie par un volet extérieur, ayant traité au commerce mondial, afin que l’Europe puisse peser dans la mondialisation. Le ministre a exposé sa vision de la mondialisation, équilibrée et juste, où les bénéfices de l’ouverture des marchés doivent être « réciproques" pour chaque partenaire.
A propos de l’immigration, également au sommaire des discussions du Conseil européen de décembre 2007, Jean Pierre Jouyet a insisté sur la prise de conscience européenne du problème de l’immigration. « C’est l’un des sujets qui a le plus retenu mon attention, depuis ma prise de fonction », a indiqué le ministre. Paradoxalement, les Etats européens sont tous individuellement confrontés à la question de l’immigration, mais ils doivent faire face, ensemble, à la pénurie de main d’œuvre du fait du déclin démographique du vieux continent et de l’absence de renouvellement des générations. Cette question centrale met en jeu la compétitivité de l’Union européenne.
Quelques jours après le constat par la troïka internationale de l’échec des négociations sur le statut du Kosovo, cette question constitue un des thèmes les plus sensibles de la politique étrangère de l’Union. Selon le ministre, le Kosovo sera certainement "le sujet le plus difficile que l’UE aura à gérer au début de l’année 2008". "La crédibilité de l’Union européenne" sera jugée sur sa capacité à contribuer au règlement de la question du Kosovo. Face à la proclamation unilatérale, plus que probable, de l’indépendance du Kosovo par ses dirigeants, les Européens devront "faire preuve d’imagination". Ils doivent trouver une solution prenant acte de cette aspiration des Kosovars à l’indépendance, tout en n’humiliant pas les Serbes. Constatant les divergences entre Etats membres sur ce sujet et tout en reconnaissant que l’indépendance ne pourra être reconnue simultanément par tous, Jean Pierre Jouyet a insisté sur l’importance pour l’Union de démontrer son aptitude à mettre en place une force de stabilisation et de sécurité efficace dans la région, à assurer le respect de l’Etat de droit et des droits des minorités. L’Union se doit de donner aux populations des Balkans "de véritables perspectives européennes". Il s’agit en priorité d’accélérer le processus d’adhésion enclenché avec la Serbie afin de donner à ce pays des "perspectives claires".
La Présidence française sera tout d’abord marquée par trois fils rouges, liés à des éléments imposés de l’agenda communautaire :
- Après l’établissement de son "bilan de santé", le lancement des réflexions sur la réforme de la PAC
- Le lancement de la réflexion sur les perspectives financières pour l’après 2013
- La mise en place de l’architecture institutionnelle prévue dans le Traité modificatif, avec notamment la désignation, en accord avec le Parlement européen, du Haut Représentant pour les Affaires étrangères.
En réponse à une remarque sur l’opacité de certaines désignations aux postes de responsabilité dans l’Union européenne, le ministre a rappelé qu’un vote sur les deux nominations aux fonctions de Président du Conseil européen, d’une part, et de Haut représentant pour les Affaires Etrangères, d’autre part, auraient lieu lors du Conseil européen de décembre 2008 à la fin de la présidence française,
S’agissant des chantiers que la France souhaitera faire avancer durant ses six mois de présidence, les priorités sont :
- La politique d’immigration. Elle implique un contrôle efficace aux frontières extérieures de l’Union.
- La politique énergétique et de lutte contre le réchauffement climatique. Commentant les résultats de la conférence de Bali sur le climat, Jean Pierre Jouyet a admis qu’ils étaient en dessous des ambitions européennes. Quant à la politique énergétique, elle ne doit pas selon le ministre se limiter à une politique de libéralisation du secteur de l’énergie, mais doit tenir compte également de l’impératif de sécurisation de l’approvisionnement et de l’indispensable diversification des sources énergétiques de l’Union européenne.
- La politique de défense. Déjà 15 opérations ont été conduites au titre de la défense européenne (notamment en lien avec l’OTAN) Les orientations de la politique de défense européenne sont définies dans la stratégie de sécurité adoptée par les Etats en 2003. Elle doit être améliorée dans le domaine de la sécurité civile dans la direction tracée par le rapport de Michel Barnier.
Pour le ministre, le « couple franco-allemand » reste un moteur important, mais non exclusif. Par ailleurs, contrairement à ce que l’on peut lire dans la presse, les rapports entre les deux pays sont bons, même s’il est indéniable que les deux dirigeants, la Chancelière allemande et le Président de la République française, ont des personnalités fort différentes. Les deux pays sont récemment parvenus à un accord sur des dossiers importants : le financement de Galileo, la restructuration de la gouvernance d’EADS et bien sûr le traité « réformateur » que les deux dirigeants ont promu conjointement et avec succès auprès de leurs partenaires européens.
En réponse à une question, le ministre a souligné que la crise de la Belgique avait une dimension locale et devait la conserver.
Interrogé sur la question la gouvernance de la zone Euro, dans le contexte de la crise financière née de celle des « subprimes » aux Etats-Unis, Jean Pierre Jouyet a mis en garde sur les possibles effets encore à venir de cette crise plus grave que prévue au début. Il a estimé qu’au plan de la France, cette crise rendait d’autant plus nécessaire la poursuite des réformes engagées dans les domaines économiques et financiers et qu’au plan européen, elle faisait davantage prendre conscience de l’impératif d’une meilleure coordination des politiques économiques au sein de la zone euro.
Un des réflexions prioritaires aujourd’hui porte sur l’amélioration des systèmes de supervision dans le secteur financier, le but étant d’adapter les normes prudentielles imposées aux établissements de crédit à la nécessité de prévenir les risques systémiques. A propos des critiques du Président de la République française sur la BCE, Jean Pierre Jouyet a reconnu que la banque européenne avait beaucoup mieux réagi que d’autres banques centrales face à la crise actuelle. Il a cependant fait valoir que, sur un plan général, le dialogue entre la BCE et les Etats de la zone Euro devait "dépasser les seules questions monétaires". Si chacun s’accorde, a souligné le ministre, sur le caractère néfaste des déséquilibres monétaires, il faut pouvoir s’accorder sur les mesures à prendre pour y remédier. Tout en réaffirmant le respect de l’indépendance de la BCE, il a évoqué le besoin de pouvoir "adresser des signaux aux marchés".
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