Le Cercle des Européens...
Pour une Europe réunie...
Dans sa chronique "Le Monde selon Noëlle Lenoir", la présidente du Cercle revient sur le voyage de François Hollande en Grèce sur les ondes de France Culture.
Le voyage de François Hollande du 19 février à Athènes est hautement symbolique, car il témoigne de la façon dont l’Union européenne a su gérer la crise financière en évitant l’éclatement de la zone euro.
N’en déplaise en effet aux fonds spéculatifs qui ont parié sur une sortie de la Grèce de la zone euro – et qui du coup ont perdu beaucoup d’argent – il n’est plus question que ce pays abandonne la monnaie unique. De même aujourd’hui, alors que Chypre est en faillite et qu’il lui faut près de 18 milliards d’euros d’aide européenne et du FMI pour se renflouer et renflouer ses banques, nul ne songe à évoquer seulement l’éventualité d’une sortie de ce pays de l’eurozone. L’on peut d’ailleurs penser que la majorité conservatrice qui sera élue dans quelques jours va mettre en œuvre une politique de rigueur pour rassurer les prêteurs.
C’est une victoire pour l’Europe – et au passage pour la BCE – de voir qu’est ainsi apporté un démenti à tous ceux, nombreux, qui prédisaient la fin de l’euro. Même en Allemagne, on ne discute plus de l’impératif de sauver à tout prix la monnaie unique qui reste l’un de nos meilleurs atouts.
L’Union monétaire a donc préservé son intégrité grâce à l’instauration de mécanismes de solidarité entre Etats qui eussent été impensables il y a encore peu d’année.
Plus encore : l’Union bancaire, qui est en passe d’être mise en place avec la BCE pour superviser l’ensemble des banques européennes, représente le transfert de souveraineté nationale vers l’Europe le plus important depuis la création de l’euro par le traité de Maastricht de 1992. Autre avancée notable: en cas de faillite d’une banque, ce ne seront plus les contribuables ou les petits porteurs qui risqueront d’être mis à contribution, mais les actionnaires qui devront prendre leur perte. Il faudra mettre cela en musique, mais le fait que de telles mesures aient été décidées est en soi révolutionnaire.
Oui, mais… et le reste ? Qu’en est-il de l’Union économique censée compléter l’Union monétaire ? On n’en dit plus mot. On ne parle plus d’harmonisation fiscale pour éviter les effets de dumping dans l’espace européen. Quant à la surveillance collective des budgets nationaux, son efficacité est encore limitée si l’on en juge par les difficultés de certains pays, dont le nôtre, de mettre en œuvre des réformes structurelles pour atteindre leurs objectifs de réduction des déficits.
Qu’en est-il même de la relance de la croissance par l’Europe sur laquelle François Hollande mettait justement l’accent ? N’a-t-elle pas été sacrifiée par l’alliance de la Grande-Bretagne et de l’Allemagne qui, contre le souhait de la France, sont parvenus à obtenir une baisse du budget européen, une première dans l’histoire de l’Union européenne ?
Gérer la crise, c’est bien. Mais cela n’est pas suffisant. Le problème, c’est l’absence d’une Europe politique apte à entraîner ses citoyens vers un projet d’avenir, une société plus dynamique et par conséquent plus juste, suivant le modèle de « l’économie sociale de marché » validé par les traités européens.
Or il y a une opportunité : Angela Merkel, au prix il est vrai d’une rigueur justifiée dans la gestion des finances publiques, est favorable à un saut fédéral. Et François Hollande, a déclaré devant le Parlement européen le 5 février : « Je m’adresse à vous comme un homme politique dont la conviction européenne a guidé son engagement ». Ce n’est pas rien.
L’Europe a donc besoin d’un projet commun, d’une« nouvelle frontière » pour les Européens qui les réunisse et qui les protège. L’Allemagne et la France devraient maintenant tracer deux pistes :
- la première, c’est de donner une consistance politique à la zone euro en officialisant le rôle directeur de l’eurogroupe et en créant une section du Parlement européen de l’eurozone ;
- la seconde piste, c’est celle de la défense européenne. L’Asie dépasse l’Europe en forces militaires, pour la première fois depuis des siècles. Et quand les Américains en auront assez de payer les 2/3 des dépenses de l’OTAN, il faudra que nous nous débrouillons tout seuls. L’Allemagne n’est certes pas la Grande-Bretagne. Elle est pacifiste et son potentiel de défense est aujourd’hui limité. Mais c’est l’idée même d’une défense européenne qui doit commencer à faire son chemin et que seul le couple franco-allemand peut porter.
Comme leurs prédécesseurs à leurs débuts, François Hollande et Angela Merkel ont encore du mal à s’acclimater à cette configuration très particulière qu’est le couple franco-allemand. Mais comme leurs prédécesseurs, forts de leurs différences, ils sont voués à bâtir des compromis pour pouvoir assumer leur vocation d’être le moteur de l’Europe.
Il n’y a pas d’autres moyens d’avancer en faisant comprendre aux citoyens l’intérêt d’une Europe unie. Sinon la montée du populisme, synonyme de régression et de déclin, continuera. Et il y a lieu d’être à cet égard inquiet. Plus que jamais, c’est à l’impulsion franco-allemande de redonner à l’Europe politique, c’est-à-dire à l’Europe tout court, sa véritable perspective.
https://twitter.com/noellelenoir
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