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Pour une Europe réunie...
La présidente du Cercle des Européens revient sur France Culture sur la tentation britannique de quitter l'Union européenne dans "Le monde selon Noëlle Lenoir".
Il est temps que les Britanniques choisissent de rester dans l’UE ou d’en sortir, comme le demande instamment une bonne partie des Conservateurs au pouvoir – les plus jeunes d’entre eux étant d’ailleurs les plus résolument anti-européens.
La Grande-Bretagne peut-elle continuer à s’exclure de la plupart des politiques et des actions de l’Europe? Elle n’est ni dans l’eurozone, ni dans l’espace de sécurité qu’est Schengen, ni dans l’espace judiciaire européen. Elle ne veut pas de la Charte des droits fondamentaux de l’UE. Elle vient de refuser de signer le traité budgétaire pourtant destiné à coordonner un tant soit peu les politiques économiques des Etats.
La Grande-Bretagne peut-elle continuer à bloquer les seules initiatives qui essaient de mettre un peu plus de solidarité entre Etats européens, comme c’est le cas du budget européen. Comme c’est le cas de l’Union bancaire qui pourtant ne concerne pas directement la City, puisqu’il s’agit de soumettre à la supervision de la BCE les seules banques des pays de la zone euro !
Cette position entre le « in » et le « out » devient intenable. Et du reste, elle ne tient plus qu’à un fil puisque le Premier ministre, David Cameron, annonce un référendum sur le maintien du Royaume-Uni dans l’Europe, sachant pertinemment que le non a toutes chances de l’emporter.
Loin de moi l’idée de donner des leçons à nos voisins d’Outre-Manche. Car notre track-record européen, à nous Français, n’est pas si glorieux :
- Rejet calamiteux de la CED (Communauté européenne de Défense) en 1954, qui a tué dans l’œuf l’espoir d’une véritable défense européenne.
- Déplorable politique de la chaise vide en 1965 au motif que l’Europe allait entamer la souveraineté du peuple français. Mais comment faire l’Europe autrement qu’en partageant les souverainetés nationales pour que chacune en sorte renforcée sur la scène mondiale !
- Rejet absurde du référendum de 2005 sur le traité constitutionnel à l’issue d’une campagne durant laquelle on a entendu les interprétations les plus fantaisistes et souvent les plus mensongères de ce texte qui, au passage, était bien meilleur que le traité de Lisbonne actuellement applicable.
Résultat: l’Europe a gravement déraillé, et depuis lors – la crise aidant – elle n’arrive pas à se remettre sur les rails de la croissance et de la cohésion sociale.
Mais il y a une différence entre la France et la Royaume-Uni.
La France et les Français sont conscients, malgré leurs foucades, qu’ils n’ont pas d’autre destin qu’européen. La France-Afrique a fait long feu. Notre puissance militaire est relative. Ce qui est aussi le cas du Royaume-Uni, comme l’a bien montré l’intervention des deux pays en Lybie, dont le succès doit largement au soutien logistique des Américains.
Malgré cela, les Britanniques ont un rêve: rester une grande nation, attachée congénitalement à la nation américaine, toujours aussi influente dans le monde de par son influence et son expertise unique dans la finance. Car les dirigeants britanniques et les tabloïds (entre les mains d’un Murdoch à l’antieuropéisme chevillé au corps), leur font croire qu’ils seront plus libres, plus grands et plus forts à l’extérieur de cette machine bureaucratique qu’est pour eux l’Europe. Et ils vont tête baissée là où ces dirigeants – à courte vue selon moi – les conduisent.
D’où la question franchement posée par l’Economist de cette semaine : que deviendra la Grande-Bretagne si elle sort de l’UE ?
Pas si compliqué de le prévoir:
- D’abord, la sortie du Royaume-Uni de l’UE après 40 ans durant lesquels cet pays a en réalité purement et simplement façonné le marché intérieur européen, serait un échec patent, pour les politiques, mais plus encore pour le peuple britannique ;
- Ensuite, cette sortie de l’UE ne pourra manquer d’entacher le prestige de cette grande nation au moment où l’UE se voit attribuer le Prix Nobel. N’est-ce pas un peu paradoxal, Mr Cameron ?
- Enfin, et surtout, le business et la City seront sans doute les premiers à payer les conséquences d’une sortie du Royaume-Uni de l’Europe.
D’abord pour le business, devoir acquitter des droits de douane ne sera pas vraiment un plus pour l’exportation vers l’UE des produits britanniques.
Quant à la City, qui est de nos jours la première place financière mondiale, elle sera peut-être toujours le hub de la finance internationale. Mais elle aura bien moins de facilités à écouler ses produits et à imposer ses modes de gestion au reste de l’Europe. Les hedgefunds de la City, immatriculés dans les îles Caïmans ou les îles Vierges par exemple, n’auront plus le droit de lever de l’épargne européenne comme cela leur a été accordé par une récente directive (« AIFM »). Et les transactions sur les produits financiers en euros devront désormais avoir lieu dans la zone euro, sous le contrôle de la BCE ainsi que le demande fort opportunément le Président de la banque européenne (depuis peu appuyé par la France, voir ma tribune dans l’Express magazine d’il y a quelques mois.)
Churchill, aux lendemains de la guerre alors que l’idée européenne redevenait d’actualité, avait déclaré s’agissant de la Grande-Bretagne : « We are with Europe, but we are not of it », voulant signifier par-là que jamais son pays ne participerait à la construction politique de l’Europe.
Cette phrase n’a jamais été si juste qu’aujourd’hui. Mais il ne faut pas s’en réjouir.
https://twitter.com/noellelenoir
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