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Intervention du 07-11-2012

Le débat sur la fiscalité aux Etats-Unis

La présidente du Cercle des Européens revient sur France Culture sur les débats liés à la fiscalité aux Etats-Unis dans "Le monde selon Noëlle Lenoir".

Réélu de facto aujourd’hui, mais non de jure, Barack Obama ne sera pas installé avant le 20 janvier prochain. Mais gageons que les Démocrates et les Républicains – lesquels gardent la majorité à la Chambre des Représentants – vont rapidement reprendre le débat sur la fiscalité qui a été un des points d’accrochage de la campagne.

Les deux partis s’opposent fondamentalement sur l’imposition des plus aisés que G.W Bush avait considérablement baissée et qu’Obama veut, quant à lui, augmenter en laissant se terminer les réductions d’impôts décidées sous l’ère de son prédécesseur.

Mais un autre sujet semble moins conflictuel. C’est celui de la lutte contre l’évasion fiscale comme moyen de garantir au gouvernement un minimum de rentrées fiscales. Obama et les Etats-Unis en ont cruellement besoin pour financer la croissance et le retour à l’emploi.

Vu les résultats de l’élection, on peut finalement penser que les électeurs américains, pour la plupart d’entre eux en tous les cas, n’ont pas été insensibles au fait que Mitt Romney ne soit pas un contribuable comme les autres. Il a lui-même reconnu qu’il avait placé certains avoirs aux îles Caïmans et n’acquittait pas dans son pays un montant d’impôt en rapport avec ses revenus et son capital, ceci grâce à l’utilisation des failles de la législation.

Ce sentiment croissant de la nécessité de rétablir la justice dans la fiscalité renvoie au fait – peu connu en Europe – que les USA sont pionniers en matière de lutte contre l’évasion fiscale, et que l’on va s’en apercevoir dans les années à venir.

Ce sont en effet les Américains qui ont aujourd’hui en ce domaine la législation la plus inquisitoire. Il s’agit de la loi, dite « FATCA » (Foreign AccountTax Compliance Act) applicable depuis cette année, qui comporte deux obligations très importantes :

- D’abord, tous les contribuables américains ayant plus de 50 000$ d’avoirs placés dans un établissement financier étranger sont tenus de le déclarer chaque année à l’administration fiscale américaine sous peine d’amende ;

- En outre et avant tout la loi impose aux banques étrangères concernées de transmettre au fisc américain des informations sur les comptes de ces contribuables sous peine de devoir payer une taxe de 30%.

Pour mettre en place ce système, les Américains sont en train de négocier des accords avec les pays de l’UE, avec le Japon et avec la Suisse.

Pour la première fois, la Suisse a admis que l’accord négocié avec les Etats-Unis impliquait de déroger à la loi pénale du pays réprimant le sacro-saint secret bancaire. Tout ceci va donc très loin, car peu à peu s’établit ainsi au niveau mondial un dispositif d’échange d’informations fiscales qui crée un nouveau paradigme : à savoir que les Etats ont le droit et la possibilité de percevoir l’impôt qui leur est dû au niveau du monde entier.

Beaucoup d’Etats sont exsangues et ne vont pas pouvoir continuer longtemps, pour renflouer leurs caisses, à faire appel uniquement aux classes moyennes et à aux plus aisés qui gardent leur argent là où ils résident ou travaillent. Le train est donc en marche.

L’UE n’est pas en reste au demeurant. Après l’adoption d’une directive sur la fiscalité de l’épargne, l’Union a négocié en 2004 avec la Suisse un accord concernant les comptes de ressortissants européens dans les banques suisses, sans imposer de lever le secret bancaire dès lors qu’est acquittée une taxe élevée de 35% sur les revenus des avoirs détenus dans ces banques. La Commission européenne a quant à elle annoncé le mois dernier qu’elle proposerait de renforcer l’Union économique fondée sur des règles budgétaires communes par des règles imposant une coopération entre Etats membres pour lutter contre la fraude et l’évasion fiscales. Les négociations de la Commission avec le Luxembourg et avec l’Autriche sont pour l’instant au point mort, mais elles vont certainement reprendre.

Lee mouvement a d’autant moins de chances de s’arrêter que les juridictions s’y mettent aussi. Il n’y a qu’à citer la décision d’une cour grecque venant purement et simplement d’absoudre le rédacteur en chef d’un magazine (Hot Doc) qui avait publié la liste nominative de l’ensemble des contribuables grecs ayant mis leur argent dans la filiale suisse d’une banque britannique. Les noms publiés avaient été extraits des 15000 noms de la liste dite « Christine Lagarde » soustraite par un informaticien de la banque et obtenu en 2009 par les autorités françaises, puis échanger avec d’autres pays de l’Union européenne. D’après une récente étude américaine, ce serait en effet environ 30 milliards€ – soit 15% du PNB grec – qui feraient défaut chaque année à la Grèce du fait de l’évasion fiscale.

Au niveau mondial, on dit que la lutte contre l’évasion fiscale pourrait rapporter aux Etats concernés environ 20 000 milliards€ !

Si les Etats-Unis, dans la configuration politique qui est la leur, et si l’Union européenne confrontée aux difficultés économiques et financières qui sont les siennes, s’attachent à régler une situation de moins en moins tolérée par l’opinion, alors a-t-on l’espoir de voir s’accélérer le retour à la croissance en évitant la faillite des Etats et en garantissant le respect du principe d’égalité devant l’impôt.

La présidente Noëlle Lenoir

https://twitter.com/noellelenoir

  • Avocate
  • Membre honoraire du Conseil Constitutionnel
  • Conseiller d’État honoraire
  • Ministre déléguée aux Affaires européennes (2002-2004)
  • Présidente du Cercle des Européens (depuis 2004)
  • Présidente d’honneur-fondatrice (1994) de l’Association des Amis d’Honoré Daumier
  • Présidente du Cercle Droit et débat public (depuis 2019)
  • Membre de l’Académie des Technologies
  • Membre de l’American Law Institute
  • Administrateur de HEC Business School
  • Vice-Présidente d’ICC France
  • Présidente du Comité international de bioéthique de l’UNESCO (1993-1998)
  • Présidente du groupe de conseillers pour l’éthique de la biotechnologie de la Commission européenne (1994-1998)
  • Déontologue de l’Assemblée Nationale (2012-2014)
  • Présidente du Comité d’éthique de Radio-France (2017-2018)
  • Présidente du Comité Éthique et scientifique de Parcoursup (2018-2019)
  • Visiting Professor à la Faculté de droit de Columbia
  • University à New-York (2001-2002)
  • Professeure affiliée à HEC (depuis 2002)
  • Présidente de l’Institut d’Europe d’HEC (depuis 2004)
  • Bâtonnier honoraire de Gray’s Inn à Londres (depuis 1996)
  • Docteur honoris causa de Suffolk University à Boston (USA) et de University College London (Royaume Uni)
  • Honorary Fellow du Hasting Center (USA)

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