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Dans cette tribune publiée dans le magazine L’Express du mercredi 2 novembre 2011, Noëlle Lenoir revient sur Bâle III et la compensation des credit default swaps (CDS). Car derrière la technique, ce qui est en jeu, c'est le sauvetage de la devise et des banques européennes face au dollar.
Sans être adepte de la théorie du complot, on peut s'interroger sur les raisons des attaques contre l'euro et les banques européennes. La plupart des pays de la zone euro ont un fort déficit, c'est vrai. Mais les Etats-Unis, dont l'endettement public dépasse 100 % du PIB, sont bien plus mal en point et depuis plus longtemps. Nombre de banques européennes ont certes dans leur bilan un montant élevé de dettes souveraines. Là encore, alors qu'elles doivent se recapitaliser, l'urgence est pour elles, avant tout, de se procurer des liquidités en dollars, que les investisseurs américains refusent de leur fournir. La BCE l'a compris et leur apporte un soutien bienvenu!
Cette situation est révélatrice de déséquilibres auxquels -si les Européens en ont la volonté- la crise devrait permettre de remédier. D'abord, il n'est plus acceptable que la surveillance des banques ne soit pas la même de part et d'autre de l'Atlantique. Les règles les plus récentes, dites "Bâle III", du nom du comité formé de banquiers centraux et de régulateurs qui les recommandent, seront rendues obligatoires par la législation européenne. Or elles imposent aux banques de constituer un matelas plus important de fonds propres, utilisables en cas de crise pour éviter la faillite. Les Etats-Unis s'apprêtent seulement à mettre en oeuvre les règles plus souples de "Bâle II", déjà en vigueur en Europe! Il appartient aux Européens d'indiquer clairement que les banques non européennes ayant des implantations en Europe devront, au niveau du groupe, respecter les règles de l'Union. Cette exigence de réciprocité est légitime dans un système global tel que la finance.
La compensation des credit default swaps (CDS), ces contrats d'assurance conclus par les acteurs financiers pour couvrir leurs risques, fournit un autre exemple des problèmes posés à l'Europe, en particulier à la zone euro. Dans cette opération, une "chambre de compensation" enregistre des transactions en étant garante de leur bonne fin. Depuis la fin de 2010, la loi américaine exige que les CDS (des milliers de milliardsd'euros chaque année), jusqu'ici échangés de façon incontrôlée, soient enregistrés aux Etats-Unis -s'ils sont libellés en dollars- par une chambre de compensation à laquelle les banques européennes doivent adhérer. La BCE a fait savoir que les CDS en euros devaient être compensés en zone euro, et non à Londres, où un groupe américain a créé à cette fin une filiale. Décision d'autant plus importante que l'Union européenne va, elle aussi, rendre cette compensation obligatoire. Si elle est implantée à Londres, cette chambre de compensation devra, en cas de défaillance d'une banque incapable d'honorer une transaction, s'adresser à la Banque d'Angleterre pour se procurer des euros. Celle-ci, n'en possédant pas en dehors de ses réserves propres, les demandera à la BCE... Si elle est en zone euro, il sera facile à la chambre de compensation d'obtenir des prêts de la BCE. Le Royaume-Uni a attaqué en justice la décision de la BCE: à tort, car elle est dans son rôle de garant du bon fonctionnement du système de paiement.
En amendant la proposition législative de la Commission européenne sur la compensation, le Parlement européen a saisi ces enjeux. Il a prévu que les chambres de compensation devaient avoir accès "au jour le jour" aux facilités de trésorerie d'une banque centrale et a fait référence à la réciprocité. Traduisez: les CDS en dollars sont enregistrés aux Etats-Unis, ceux en euros le sont dans la zone euro. Pour une fois, les pays de la zone euro ont les moyens de défendre la souveraineté monétaire qu'ils ont mise en commun. Qu'ils tiennent bon!
https://twitter.com/noellelenoir
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