Le Cercle des Européens...
Pour une Europe réunie...
La Ministre a souligné l’engagement de la France, à travers le Grenelle de l’environnement, tout en faisant apparaitre "les difficultés de la transition écologique".
Elle est également revenue sur l’enjeu de la taxe carbone en France et d’une taxe aux frontière de l’UE.
Face aux membres du Cercle des Européens, Chantal Jouanno a fait part, en guise d’avant propos, de sa profonde conviction européenne. Une conviction qui remonte à son stage ENA fait à la Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne, aux côtés d’un des plus brillants diplomates, Pierre de Boissieu. A Bruxelles en 1997, elle a suivi de près les négociations du Traité d’Amsterdam qui a marqué une étape fondatrice de la politique de l’environnement (instituée par le Traité de Maastricht). Outre le passage de la procédure de coopération à la codécision, le préambule du Traité élève en effet le développement durable au rang d’objectif de l’Union européenne.
Aujourd’hui Ministre de l’Ecologie après avoir présidé l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (février 2008- janvier 2009) et occupé les fonctions de Conseiller pour le développement durable à la Présidence de la République (octobre 2007 – février 2008), Chantal Jouanno a souligné que l’Europe était "le principal moteur des progrès réalisés dans le domaine de l’environnement". "Près de 85% de la législation français provient de décisions européennes". Cela concerne aussi bien la biodiversité – qui selon la Ministre est un sujet "mal compris en France" - , les déchets, la pollution de l’air ou la qualité de l’eau. "L’Europe à certains maux, mais elle nous fait réellement progresser, en particulier dans le domaine de l’environnement".
Après cette période d’importantes avancées, la Ministre a estimée que la conférence de Copenhague de décembre 2009 marquait "une nouvelle étape". Echec ou succès, "la lecture diffère d’un continent à l’autre". Pour les Européens il s’agit certainement d’un échec dans la mesure où les objectifs initialement fixés n’ont pas été atteints. Chantal Jouanno s’est interrogée sur la stratégie de l’UE lors de ces négociations. Dans la préparation de Copenhague, "l’Europe a décidé de prendre une position d’exemplarité, pensant que cela suffirait à emporter l’adhésion de tous". Suite à l’adoption du "paquet énergie climat", en décembre 2008 sous présidence française, l’UE s’est en effet présentée avec des engagements très clairs de réduction d’émission de gaz à effet de serre : -20% en 2020 et -50% en 2050. "Dans les esprits de la plupart des Européens, le succès de Copenhague devait se juger à l’aune de ces deux chiffres". "Or, nous sommes arrivés dans une négociation internationale où la plupart des pays ne souhaitaient ni s’engager sur des chiffres, ni rendre des comptes à la Communauté internationale".
Regrettant l’absence d’engagements chiffrés, la Ministre a toutefois livré une seconde interprétation plus positive de l’accord final en en faisant référence à l’analyse de l’indien Amartya Sen. Pour le Prix Nobel de l’économie 1998 (récompensé pour ses travaux sur le développement humain, les inégalités et les mécanismes de la pauvreté), aujourd’hui coprésident avec Joseph Stiglitz d’une mission sur la mesure de la croissance française, Copenhague a gravé dans le marbre une véritable volonté de solidarité entre pays développés et en voie de développement. Chantal Jouanno a rejoint cette analyse en mettant en avant les engagements importants en matière de financements innovants, de lutte contre la déforestation, ou de limitation de la hausse des températures à 2°C (cf Bilan de la conférence de Copenhague sur le climat).
"L’après Copenhague fut aussi brutal que l’avant fut consensuel", a déclaré Chantal Jouanno tout en affirmant que malgré la déception sur le plan international, "la France a réussi à poursuivre le chemin tracé par le Grenelle de l’environnement". Après la promulgation de la loi Grenelle 1, en octobre 2009 (votée le 3 aout 2009), la loi Grenelle 2 a été adoptée le 11 mai 2010 par les députés. Celle-ci constitue une "véritable boîte à outils et touche tous les domaines de la société : énergie, logement, déchets, santé, risques, agriculture, biodiversité ou gouvernance." A l’image des débats houleux qui ont eu lieu à l’Assemblée, cette loi suscite des avis partagés. Pour les uns elle constitue un recul par rapport aux précédents engagements, pour les autres elle va trop loin. Là encore, la Ministre a estimé qu’il ne pouvait y avoir de lecture unique. "Si l’on peut considérer que la loi comporte certains reculs sur des points particuliers, l’ensemble est positif car il nous permet d’avoir les instruments nécessaires pour avancer".
L’engagement de la France dans la voie de la croissance verte reste "un effort de moyen terme dont les résultats se mesureront à une échelle de 10 ans". La Ministre a en effet rappelé que l’objectif du Grenelle était de créer 600 000 emplois d’ici 2020 avec un investissement de 440 milliards d’euros. La filière verte représente au total un potentiel de 15% du PIB. "Il faut donner une valeur positive à la croissance verte qui est à l’heure actuelle davantage assimilée à un coût". Chantal Jouanno a enfin souligné qu’il ne suffisait pas de voter des lois, mais qu’il fallait pouvoir rendre compte de leur application, or cette "culture de l’évaluation" fait malheureusement largement défaut en France.
Interrogée sur le contenu d’un éventuel Grenelle 3, la Ministre a tout d’abord précisé que cette idée ne signifiait pas nécessairement l’adoption d’un nouveau projet de loi. D’autres voies plus souples existent comme, comme celle de la convention.
La véritable justification de cette nouvelle étape est de donner une pleine traduction à l’ensemble des principes énumérés par le Président de la République lors de son discours de 2007, à l’issu des travaux du Grenelle de l’Environnement . Parmi ces principes, Chantal Jouanno à cité : l’exigence de transparence, d’expertise pluraliste et contradictoire, la nécessité d’intégrer l’impact et la soutenabilité à long terme des décisions politiques, l’inversion de la charge de la preuve (qui ne doit plus incomber au projet écologique) et le droit à l’alternative qui signifie qu’aucune décision de l’Etat ne doit placer des personnes dans l’impasse.
La Ministre a en particulier dégagé trois priorités correspondant à trois chantiers en cours. Une meilleure mesure du produit intérieur brut permettant de prendre en compte le capital environnemental du pays. C’est tout l’objet du rapport remis en septembre 2009 au gouvernement par la Commission sur la Mesure de la Performance Économique et du Progrès Social, présidée par Joseph E. Stiglitz et Amartya Sen. La mise en œuvre des recommandations est en cours à la fois au niveau français, européen (en concertation avec la Commission européenne qui en 2009 a publié une communication intitulée "Le PIB et au-delà – Mesurer le progrès dans un monde en mutation") et international (au sein de l’OCDE) (cf Agenda de mise en œuvre du rapport Stiglitz en France et au niveau international).
La seconde priorité concerne la définition "d’un véritable modèle développement macro-économique pour une croissance verte". Un travail de fond a ainsi été engagé en collaboration avec le MEDEF pour identifier les secteurs stratégiques et les secteurs vulnérables.
La Ministre a enfin insisté sur le besoin de mieux impliquer la société civile dans le débat et la construction de projets liés au développement durable. "La méthode actuelle de consultation n’est pas efficace car elle n’est pas pleinement représentative des opinions publiques". L’enjeu est décisif car cela permettrait de "répondre aux interrogations et aux craintes qui se dressent souvent face au progrès".
Si le Grenelle est d’ores et déjà parvenu à "stimuler la demande", par exemple par la mise en place de mesures pour la rénovation des bâtiments, des transports publics ou l’instauration d’un bonus-malus pour les véhicules, Chantal Jouanno a déploré l’absence d’instruments pour créer l’offre. "Il manque une politique industrielle claire, une politique de l’emploi, de la formation ou de la recherche pour relever le défi de la transition écologique". L’absence de filière éolienne en France, de filière bio (l’essentiel étant importé) ou la difficulté à créer une filière dans le domaine du photovoltaïque sont autant de symptômes de la faiblesse de l’offre.
La France investit dorénavant 1,5 milliards d’euros dans le domaine de l’environnement et des nouvelles technologies, ce qui est un grand pas par rapport à ce qui se faisait précédemment, mais qui "reste insuffisant au regard des défis qui sont devant nous".
Cette question a conduit la Ministre à s’interroger sur le niveau d’action pertinent. Il est certes pertinent de traiter la question de l’emploi au niveau national, mais pour ce qui est de la recherche, "l’échelle nationale devient dérisoire". Or, dans des secteurs aussi stratégiques que les énergies marines, les biocarburants, ou les véhicules électriques, "il n’y a pas de stratégie européenne coordonnée". Citant l’exemple de l’éolien off shore, la Ministre a jugé absurde la compétition que se livrent des pays européens comme la Norvège, le Royaume-Uni, le Portugal ou le Danemark pour être leader du secteur.
Face à ces faiblesse et ces incohérences, Chantal Jouano a appelé au sursaut de l’Europe : "si l’Union européenne ne réagit pas, la croissance se fera ailleurs". Bien que la Chine ou les Etats-Unis n’aient pas signé d’objectifs chiffrés de réductions de CO2 à Copenhague, "ils investissent des milliards dans le développement durable". Le retard de l’Europe est de ce point de vue très "préoccupant". "Ce ne sont pas uniquement les filières vertes qui sont concernées, mais l’ensemble de la structure de la croissance", a ajouté la Ministre.
Interrogée sur l’efficacité d’une taxe carbone aux frontières de l’Europe, système proposé et poussé par la France depuis décembre 2008, Chantal Jouanno a indiqué que le sujet restait sur la table des négociations et figurait parmi les options retenues dans la dernière communication de la Commission européenne sur le climat (Communication du 26 mai 2010 sur l’incidence d’un passage de 20% à 30% de réduction de gaz à effet de serre). Appelé également mécanisme d’inclusion carbone (MIC), ce système consiste à soumettre les importateurs de biens en dehors de l’Europe aux mêmes règles que celles appliquées aux producteurs européens, ce qui reviendrait à inclure les importateurs dans le système européen d’échange de quotas d’émission de CO2 (ETS). Compte tenu des exigences environnementales plus importantes au sein de l’UE que dans d’autres zones géographiques (en particulier les économies émergentes telles la Chine ou l’Inde), cette taxe carbone aux frontières vise avant tout, selon la Ministre, à remédier au risque de délocalisations (appelé fuites carbone). Considéré par de nombreux pays européens comme une entrave au libre-échange, ce système soulève de vives oppositions. Pour Chantal Jouanno qui s’est fortement engagée pour faire avancer cette réflexion au niveau européen, "il est nécessaire de modifier un système dès lors qu’il est injuste".
Alors que l’abandon en mars dernier de la contribution carbone – communément appelée taxe carbone - a déçu de nombreux espoirs, Chantal Jouanno a souhaité revenir sur les objectifs et les modalités de cette augmentation de la fiscalité pesant sur les émissions de carbone. Né d’une réflexion engagée en 2007, poursuivie lors du Grenelle de l’environnement puis au sein de la "commission Rocard" (commission sur la contribution climat-énergie), ce projet reposait sur deux fondamentaux. D’une part cette taxe ne devait pas entrainer une augmentation des taux de prélèvement obligatoires ; la France se situant déjà parmi les pays ayant les taux les plus élevés. D’autre part cette taxe devait permettre un basculement d’une partie de la fiscalité pesant sur le travail et les investissements sur les pollutions. La Ministre a indiqué que la suppression de la taxe professionnelle et le système de crédit d’impôts ou de chèques verts s’inscrit dans cette logique.
Pour Chantal Jouanno, la vocation de la contribution carbone n’est pas de "financer le nouveau modèle de croissance, mais davantage de corriger le système des prix qui n’intègre pas celui du carbone". En favorisant les investissements en matière de rénovation de bâtiments, de transports, ou de véhicules, cette contribution permettrait en outre de "réduire la facture énergétique de la France".
Malgré le vote de cette taxe (contenue dans le projet de loi de Finances 2010) le 24 novembre 2010 à l’Assemblée nationale, c’est le Conseil constitutionnel, saisi par l’opposition socialiste, qui l’a invalidée. Les Sages ont en effet exigé que cette contribution carbone soit également appliquée aux secteurs déjà soumis aux quotas d’émission de CO2 et qui en était initialement exemptés. Chantal Jouanno a justifié cette exemption par le fait que tandis que le secteur industriel a baissé ses émissions de 21 % depuis les années 90, celles du secteur tertiaire, résidentiel et des transports ont augmentées. "L’idée d’origine était de cette corriger une dérive". La mise en œuvre de cette taxe dans des secteurs comme la chimie aurait de plus représenté jusqu’à 20% de leur valeur ajoutée. La décision du Conseil constitutionnel a contraint le gouvernement à chercher de nombreux "systèmes de compensation ou de dérogations" qui se sont avérés difficilement compatibles avec les règles européennes en matière de concurrence. Outre les obstacles bruxellois, la crise a fait irruption dans le débat et réduit les ambitions en matière environnementale. Si compte tenu du contexte actuel, la priorité est à présent davantage "à la sauvegarde de l’existant", la Ministre a toutefois affirmé que "l’idée d’une contribution carbone est maintenue". Le financement de cette contribution par l’emprunt plutôt que par un système de fiscalité spécifique, constitue l’une des pistes envisagées.
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