Le Cercle des Européens...
Pour une Europe réunie...
A l’approche des élections britanniques et après le retrait des conservateurs du groupe PPE, Graham Watson a fait part de son "inquiétude" quant à l’évolution de la politique européenne de son pays.
Fort de son expérience de parlementaire européen, Graham Watson a d’abord insisté sur l’évolution sociologique du Parlement européen depuis ces seize dernières années.
Les députés européens, dont les charges sont de plus en plus lourdes et l’exigence technique de plus en plus grande, sont de plus en plus appelés à renouveler leur mandat et font pour certains de véritables carrières européennes. En 1994, "80% des élus avaient été envoyés par leurs partis ou leurs gouvernement au Parlement européen pour vivre une retraite confortable", après avoir fait une carrière au plan national. Seuls 20% se montraient véritablement actifs manifestant ainsi leur souhait "participer effectivement à la construction de l’Europe". Après l’élection de juin 2009, "nous sommes au moins la moitié des députés à vouloir faire carrière politique au Parlement européen", même si c’est au prix d’un certain anonymat, car la presse s’intéresse davantage aux politiques nationaux, ignorent dans beaucoup de cas les élus européens.
A cette professionnalisation s’ajoute un changement idéologique : l’Europe forteresse "n’est plus une option politique" et "l’idée d’une Europe ouverte est aujourd’hui plus forte que jamais". A droite comme à gauche, l’opposition à l’ouverture des marchés, les discours anti-immigration, ou la défense d’une Europe comme "d’un club Chrétien" "sont nettement moins présents, même s’il reste encore des progrès à faire".
Suite aux élections européennes de juin 2009, puis au retrait des 25 députés conservateurs britanniques du groupe PPE, Graham Watson a mis en lumière une plus grande fragmentation des forces politiques au sein du Parlement européen. Si cette situation renforce la position charnière du groupe des libéraux elle rend également plus difficile la constitution de majorité.
L’ancien Président des libéraux s’est toutefois montré optimiste quant à la capacité des députés à trouver des compromis et décider efficacement : "doté de nouveaux pouvoirs, le Parlement européen est aujourd’hui plus responsable et nous allons réussir à trouver une majorité sur tous les sujets importants, même si le pourcentage des anti-européens est plus élevé qu’avant".
Décrivant les difficultés de la construction européenne, Graham Watson a fait valoir qu’après plus de vingt années de réflexion sur la mise en place des outils institutionnels de nature à mieux faire fonctionner l’Europe – "une obsession qui nous a pris tant d’énergie" – il convenait à présent d’assurer que l’Europe est en mesure "de répondre aux grands défis de ce monde".
Si jusqu’en 2000, les raisons d’adhérer à l’Union européenne résidaient, selon le député britannique, dans le maintien de la paix et de la prospérité, "la justification de la construction européenne a aujourd’hui changé". La croissance de la population mondiale avec les pressions migratoires qui en résultent, le changement climatique, l’insécurité énergétique, la criminalité organisée ou le terrorisme : autant de défis qui "requièrent une solidarité bien plus grande qu’aujourd’hui". L’Europe doit les affronter pour "défendre nos citoyens et à promouvoir les valeurs de l’Europe à échelle mondiale".
Nous ne sommes plus à l’époque de la réconciliation qu’il a fallu consolider jusqu’à ces dernières années, mais à celle de la mondialisation. Le monde à changer d’échelle et l’Europe doit s’y faire sa place.
"Les choses commencent à bouger", a affirmé Graham Watson. Saluant tout d’abord, les efforts de Nicolas Sarkozy lors de la Présidence française de l’UE ainsi que l’action de Jean-Claude Trichet – "le vrai héros de la crise" -, il a considéré que le plan de sauvetage du système bancaire européen d’octobre 2008, "nous avait évité une longue et profonde récession". Même si ce plan a été coûteux pour les Etats.
La crise grecque sera-t-elle l’occasion d’un sursaut ? En tous les cas, il est évident que l’on assiste à la mise en place progressive "d’une solidarité économique" entre les pays européens. Alors que le 11 avril 2010, les ministres des Finances de l’Eurogroupe se mettaient d’accord sur les conditions d’une aide éventuelle à la Grèce (prêts bilatéraux et fonds européen), Graham Watson a fait remarquer que les conditions mises à cette aide, à savoir notamment la réduction des déficits, entamaient les débuts d’une gouvernance économique.
"Nous sommes déjà dans une situation où nous avons un ministre des Finances européen, qui s’appelle Jean-Claude Junker (le Président de l’Eurogroupe et Premier ministre luxembourgeois), et un ministre de l’Economie, qui s’appelle Ollie Rehn (le Commissaire aux Affaires économiques et monétaires)". "Tous deux ont créé les conditions futures pour une gouvernance économique européenne", a déclaré le Député.
Pour autant, la crise n’a-t-elle pas aussi renforcé les tendances intergouvernementales au dépend de la méthode communautaire ?
Alors que le soir même de son intervention devant le Cercle, se tenait le premier débat télévisé entre les trois candidats au poste de Premier ministre britannique, Graham Watson a reconnu que le thème de l’Europe était traditionnellement absent des campagnes électorales dans son pays : "tous les partis tentent d’éviter le sujet, y compris mon propre parti qui est pourtant le plus pro-européen". Témoigner de son engagement européen devant les citoyens britanniques peut en effet se révéler "électoralement risqué".
Il existe une raison plus profonde : "notre pays souffre d’un manque d’information, voire d’une mauvaise d’éducation sur l’Europe. Aucun gouvernement depuis l’adhésion du Royaume-Uni en 1972 n’a eu le courage d’aborder ce thème". Une situation d’autant plus incohérente que "tout le monde reconnait pourtant que nous n’avons pas d’autre alternative à proposer en dehors de l’appartenance à l’Union européenne".
L’Europe a été un peu plus présente que d’habitude dans la campagne 2010. Le retrait des membres du parti conservateur du groupe PPE, au début de la nouvelle législature du Parlement européen, en juillet 2009, a fait "pénétrer l’Europe dans le débat électoral de manière inattendue". La remise en cause de la capacité d’influence des conservateurs au Parlement européen ainsi que la sensibilité nettement populiste des partis composant le groupe des Conservateurs et réformistes européens (CRE), rejoint par les Tories de David Cameron, ont focalisé l’attention. Ce choix a été très controversé au sein même des rangs conservateurs puisque l’un de ses représentants les plus influents au Parlement européen a quitté ce parti pour rejoindre les libéraux-démocrates. Edward McMillan-Scott, élu depuis 1984 et actuellement Vice-président du Parlement, siège aujourd’hui dans le groupe des non-inscrits. Pour Graham Watson il est en tous cas évident que la décision des Tories "n’aide pas beaucoup les citoyens britanniques à comprendre l’Europe". Présente lors de ce dîner, l’ancienne Présidente du Parlement européen, Nicole Fontaine, a tenu à faire part de son inquiétude quant à "une régression de l’idée européenne dans les mentalités britanniques". Elle a également témoigné de son incompréhension face au choix des conservateurs, tout ayant le sentiment "d’une grande erreur politique".
Si cette "manœuvre" de David Cameron peut se révéler perdante sur le plan européen, Graham Watson a rappelé qu’elle lui avait avant tout permis de se faire élire à la tête du parti conservateur, en récupérant les voix de l’aile la plus eurosceptique, menée par Liam Fox. Au demeurant, la nouvelle génération d’élus conservateurs est bien plus eurosceptique que les élus des générations précédentes. "Je m’inquiète pour la politique européenne de mon pays".
Membre de la commission des Affaires étrangères, Graham Watson a commenté les débats en cours sur la mise en place du Service européen d’action extérieur (SEAE), mesure phare du traité de Lisbonne. "Il y a actuellement une bagarre entre le Parlement, le Conseil et la Commission", qui porte principalement sur les questions budgétaires et sur la responsabilité politique sous laquelle doit être placé ce service. Graham Watson a regretté que la Haute représentante pour les Affaires étrangères, sa compatriote Catherine Ashton, ait présenté dès le 25 mars un premier projet alors que des discussions étaient encore en cours. "Dans l’état actuel, ce projet n’est pas acceptable", a déclaré le député européen.
Doté de nouveaux pouvoirs budgétaires (le pouvoir de codécision du Parlement s’applique désormais à l’ensemble du budget communautaire et non plus seulement aux dépenses dites "non obligatoires". Ce qui inclus par exemple les dépenses agricoles et les dépenses liées aux accords internationaux), les députés veulent en effet faire entendre leur voix face à la Commission et aux Etats concernant le budget de l’institution. Tout comme le recommandent les deux rapporteurs, Guy Verhofstadt (actuel Président du groupe ADLE et ancien Premier ministre belge) et Elmar Brok (ancien Président de la commission des Affaires étrangères du PE - invité du Cercle, en juillet 2008), Graham Watson a souhaité que le service diplomatique soit directement placé sous la tutelle de la Commission européenne et non d’un Secrétaire général – comme prévu dans le projet de Mme Ashton- , avec une participation directe des Commissaires responsables de l’aide humanitaire, du développement et de la politique de voisinage.
Bien que la mise en place du service diplomatique ait pris du retard (la date butoir était initialement fixée au 30 avril 2010), Graham Watson s’est montré confiant sur la possibilité de trouver un accord entre les trois institutions que sont le Parlement européen, le Conseil et la Commission. La réussite de ce nouveau service ne fait pas de doute à ses yeux : "il n’y a presque aucune capitale où les ambassadeurs des pays membres ne préfèreraient pas être des ambassadeurs de l’Union européenne…..sauf peut être Washington ou Pékin".
Connaissant Catherine Ashton depuis "une trentaine d’années", Graham Watson a enfin tenu à souligner "la capacité de persuasion" de cette "personnalité exceptionnelle". "Elle ne décevra pas l’Europe", a-t-il souligné.
Particulièrement engagé dans la transition vers une économie verte, comme tous les libéraux-démocrates britanniques, Graham Watson a souligné que "l’Union européenne se trouve devant un choix très important". Il a cité à ce titre l’étude de la Fondation européenne pour le Climat, présentée le 13 avril aux parlementaires européens et qui propose une feuille de route pour la "décarbonisation" de l’économie européenne d’ici 2050. "Il s’agit de l’événement le plus important auquel j’ai pu assister depuis ces dernières années". Cette étude se base sur les engagements pris par l’UE sur le long terme, à savoir une réduction de 80 à 95% des émissions de CO2 d’ici 2050 et par rapport à 1990. Trois scénarios sont proposés pour y parvenir, comprenant une part variable de 40%, 60% ou 80% d’énergies renouvelables. L’enjeu est fondamental puisqu’il relève de "l’indépendance énergétique de l’Europe". Graham Watson a insisté sur la faisabilité d’une telle feuille de route en précisant qu’elle avait été validée par la plupart de grandes entreprises telles qu’EDF ou McKinsey. "Ce projet pourrait bien devenir la prochaine grande idée pour l’Europe, à condition que l’on veuille bien s’en saisir".
Concernant les négociations internationales sur le climat suite à l’échec de Copenhague, Graham Watson a insisté sur le besoin de travailler avec la Chine et les Etats-Unis. Conscient des difficultés et des oppositions, il a toutefois appelé l’Europe à ne pas attendre de geste de ses grands partenaires avant de mettre en place des mesures nécessaires. "Pour des raisons de compétitivité économique, de solidarité internationale et de moralité, nous devons continuer seuls à décarboniser notre économie".
Interrogé sur les conséquences du désintérêt marqué des Etats-Unis vis-à-vis de l’Europe sur "la relation spéciale" entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis et sur le positionnement des Britanniques en Europe, Graham Watson a exprimé une certaine "déception" face à l’attitude américaine. Une déception à la mesure des attentes suscitées par la fin de l’administration Bush et l’élection de Barak Obama, le candidat préféré des Européens. Graham Watson a fait remarquer que depuis quelques temps, les Présidents américains en voyage en Europe ne se rendaient plus en premier lieu à Londres mais plutôt à Bruxelles ou à Berlin. "Tous les signaux que nous recevons des Etats-Unis montrent qu’ils ne s’intéressent plus seulement au Royaume-Uni mais à l’Europe toute entière".
La relation anglo-américaine ne doit pas faire obstacle à la mise en place d’une réelle "communauté euro-américaine".
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