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Dans sa chronique "Le Monde selon Noëlle Lenoir", la présidente du Cercle revient sur les ondes France Culture sur le discours de David Cameron à propos de la sortie de son pays de l'Europe.
« Notre sensibilité est insulaire, le peuple britannique est fondamentalement indépendant et farouchement attaché à sa souveraineté, et nous ne changerons pas » a déclaré David Cameron dans son discours sur l’Europe du 23 janvier dernier. Dont acte.
Ce discours, à l’occasion duquel le Premier ministre britannique annonce qu’il lancera un référendum sur la sortie éventuelle de son pays en 2017 … (on n’est pas pressé, donc !) marque tout de même une rupture dans les relations entre le Royaume-Uni et le reste de l’Europe. C’est la première fois qu’une telle éventualité se concrétise véritablement. Car chacun sait que celui qui propose un référendum souhaite en général que le non l’emporte. A moins d’être aveugle, comme le fut le gouvernement français en mai 2005 lorsqu’il a décidé de lancer un référendum sur le traité constitutionnel, ce qui a été selon moi une erreur majeure pour l’Europe, mais surtout pour la France.
Mais revenons à David Cameron. S’il me paraît important d’évoquer les conséquences de son allocution, c’est qu’elle va modifier les rapports entre le Royaume-Uni et les autres pays européens. Or David Cameron est sérieux quand il indique son intention de renégocier le retour de la plupart des compétences transmises à l’UE – dans pratiquement tous les domaines dont l’agriculture, la pêche, l’environnement, la finance, la justice, l’immigration… – à défaut de quoi, le peuple sera appelé à se prononcer sur le maintien dans l’Union du Royaume-Uni.
Le Premier ministre britannique est d’autant plus sérieux qu’il a le sentiment qu’il joue son avenir politique. Et ce, pour 2 raisons. D’abord plus de 80% des députés de son parti – les tories – sont anti-européens et veulent que l’UE devienne une simple zone de libre-échange pour les intérêts britanniques. A défaut de répondre à cette exigence pressante, Cameron risquait de ne pas pouvoir être le candidat de son parti lors des prochaines élections. Ensuite le Premier ministre britannique à l’évidence a également cherché à couper l’herbe sous le pied de l’UKIP, parti populiste d’extrême-droite, qui est en train de prendre des voix aux conservateurs sur les thèmes de l’Europe et de l’immigration incontrôlée qu’elle génère.
Alors, ce discours est-il pour autant exclusivement tactique ? Pour moi, non. Il résonne jusqu’aux profondeurs de l’âme britannique. En dehors de Howard Heath, Premier ministre conservateur lui aussi qui a fait accéder son pays à l’Europe en 1972, jamais aucun dirigeant britannique n’a osé dire la vérité à la population sur l’Europe qui n’a cessé d’être le bouc émissaire, si elle n’était pas même méprisée.
Et j’en veux pour exemple, Winston Churchill, le grand Churchill. J’ai une immense admiration pour le visionnaire, le résistant et l’homme d’action dont le courage est inégalé. Mais il est faux de le considérer comme pro-européen. Il ne l’a jamais été. En tous les cas, il n’a jamais conçu la construction européenne comme l’affaire du Royaume-Uni. Et cela a marqué toute la relation entre son pays et l’Europe depuis le début jusqu’à nos jours.
Churchill a pris à maintes reprises position en faveur des Etats-Unis d’Europe. Il l’a fait dès 1930 dans une revue américaine, puis pendant la guerre dans des notes transmises au Foreign Office, et ensuite de manière plus visible dans un fameux discours en 1946 à l’Université de Zurich, et surtout enfin en 1948 à La Haye lors du congrès fondateur du Mouvement fédéraliste européen.
Mais à chaque fois, si l’on analyse ses propos, on constate qu’il est partisan de laisser son pays en retrait de l’Europe, de sorte qu’il y a une indéniable communauté d’inspiration entre Churchill et David Cameron :
- L’Europe nous dit Churchill est indispensable à la paix et il faut une alliance forte entre la France et l’Allemagne pour stabiliser le continent. David Cameron, dans son discours, insiste de même sur l’œuvre de paix de la construction européenne et sur la réconciliation franco-allemande.
- Le Royaume-Uni, ajoute Churchill, est un pays fier et indépendant – sous entendu il ne se fondera jamais dans un ensemble mou comme l’Europe – ce que dit exactement David Cameron.
- Enfin, alors que David Cameron rappelle que « de César à la défaite des Nazis, la Grande-Bretagne a modelé l’Europe », Churchill bien sûr était bien placé pour rappeler le rôle déterminant de son pays – et à mon sens avant tout de lui-même – dans la victoire contre le nazisme et le fascisme.
David Cameron est donc parfaitement sincère quand il rappelle que la Grande-Bretagne est rentrée dans l’Europe, avec un objectif pratique, mais sans enthousiasme et sans émotion. Je dirai même que – en dehors de Howard Heath lui-même – la plupart des responsables politiques britanniques de l’époque considéraient l’entrée du Royaume-Uni dans la Communauté européenne comme un échec ou à tout le moins l’incapacité du pays de rester dans son splendide isolement en tant que grande puissance et pilier du monde anglophone.
Mais n’est pas Churchill qui veut. Il faut avoir les moyens de ses ambitions. Pour moi, le Royaume-Uni, en dépit de ses multiples talents et de son histoire Oh !combien glorieuse, n’a plus les moyens d’être une grande puissance. Seule l’Europe pourrait l’être. Nous nous en sommes rendu compte, nous Français depuis quelques temps déjà. Il serait temps que le même message soit adressé à nos voisins Outre-manche. Ce n’est pas celui qui ressort du discours de David Cameron, et c’est un tort. Peut-être même une erreur historique.
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