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Intervention du 26-09-2012

L’Union bancaire, un pas fédéral nécessaire

Dans sa chronique "Le Monde selon Noëlle Lenoir", la présidente du Cercle des Européens revient sur France Culture sur la perspective d'Union bancaire au niveau européen.

 Pour tous ceux qui, comme moi, croient dans l’Europe comme notre seule chance de pouvoir conserver nos valeurs de société ouverte, pluraliste et tolérante, il est évident que, sous la pression de la crise, l’Union européenne fait des avancées.

Bien qu’il soit loin de se suffire à lui-même, le traité budgétaire est l’une de ces avancées. La discipline budgétaire qu’il instaure étaient déjà plus ou moins contenues dans des textes adoptés l’an dernier par le Parlement européen. Mais le traité va plus loin dans le sens d’une gouvernance renforcée de la zone euro. Et chacun sait combien celle-ci est indispensable pour sauver la monnaie unique.

L’Union bancaire, telle que proposée par la Commission européenne il y a une dizaine de jours, est un second pas encore plus important et surtout plus novateur.
L’Union bancaire comporte trois volets :

  • D’une part, elle met en place pour les clients un système véritablement commun de garantie des dépôts dans les banques. Actuellement, si une banque européenne fait faillite, tout déposant a automatiquement le droit de récupérer 100 000 € de son compte. Avec l’Union bancaire, les sommes récupérées seraient supérieures car les banques se seraient en quelque sorte cotiser sur une base de solidarité pour assurer la protection de leurs clients ;
  • Le second volet de la réforme concerne la prévention des difficultés, et au besoin la liquidation d’une banque en faillite. Les Etats devront se prémunir pour le cas d’effondrement éventuel d’une banque en collectant l’équivalent de 1 % des dépôts bancaires, via une taxe annuelle. De plus, les créanciers de la banque, et non plus seulement les contribuables, seraient aussi appelés à prendre leur part en cas de faillite.
  • Le troisième et dernier volet, le plus emblématique et semble-t-il problématique, c’est l’attribution à la BCE d’un pouvoir de superviseur de toutes les banques de la zone euro (6000 en tout), et des banques hors zone euro qui le souhaiteraient.

L’objectif de la réforme est double :

  • D’abord, le but est de solliciter le système bancaire lui-même, au lieu du contribuable, pour participer au renflouement des banques en détresse.
  • Ensuite, il s’agit, en confiant à la BCE des responsabilités de superviseur, de renforcer l’efficacité du contrôle des banques et de prévenir- on peut l’espérer -de nouvelles crises. Car il n’est pas exagéré de dire que les autorités nationales de supervision bancaire n’ont pas pu ou su faire convenablement ce travail.

L’augmentation des pouvoirs de la BCE n’est pas ce qu’il y a de plus aisé à faire accepter par les responsables économiques et politiques des différents Etats membres de la zone euro : La BCE, institution fédérale s’il en est, garante de la stabilité de la monnaie, aurait en outre la maîtrise de la surveillance des banques ? Elle aurait en effet compétence pour délivrer aux banques leur agrément ou le retirer à titre de sanction. Munie de pouvoirs d’investigation, elle vérifierait si les banques – au-delà des stress tests – respectent les règles de prudence qui s’imposent à elles quant à leur solvabilité. Elle regarderait si elles ont suffisamment de liquidités pour faire face à leur mission de financement de l’économie réelle.

Tout cela paraît simple et naturel, mais ne l’est pas. Pour la simple raison que l’intérêt général européen est ressenti comme s’identifiant de moins en moins hélas avec l’intérêt de chacun des pays.

Ainsi, le projet d’Union bancaire s’avère être le révélateur de la difficulté croissante des Etats à surmonter leurs contraintes nationales pour s’unir dans l’Europe.
Ne nous illusionnons pas, la crise ne conduit pas automatiquement au resserrement des rangs entre les Etats européens. Bien au contraire, elle avive les différences au nom d’un chacun pour soi qui pourrait être à l’Europe, à mon avis, mortel.

Il en est ainsi de l’Union bancaire qui divise en attendant de rassembler. Car j’en ai la conviction, nous ferons l’Union bancaire (avant l’Union fiscale…)

La France est d’accord avec le projet, mais le Royaume-Uni, cela n’étonnera pas, ne l’entend pas de la même manière. Non membre de la zone euro, notre voisin britannique ne devrait pas en principe se sentir concerné par ce nouveau rôle dévolu à la BCE. En fait, sa crainte paraît être que l’efficacité de la BCE serve de modèle et contraigne la City à prévoir un renforcement de la supervision de ses banques. D’habitude, dans sa volonté de protéger à tous prix la City, le Royaume-Uni est relativement isolé. Mais cette fois-ci, le gouvernement britannique a pris le lead des 10 pays n’ayant pas l’euro, pour pouvoir mieux lutter contre une Union bancaire qui laisse entrevoir le spectre fédéral.

L’Allemagne elle-même– dont dépend l’aboutissement de la réforme – marque nettement sa différence. On sait bien que ce n’est pas le grand amour entre la BUBA (la banque centrale allemande) et la BCE regardée comme une sorte de rivale.

Toutefois les réticences allemandes ne sont pas celles que l’on croit. Elles ne sont pas inspirées cette fois-ci par l’orthodoxie. Elles s’expliquent par la pression exercée sur le gouvernement par les Länder qui veulent conserver la haute main sur les 400 banques régionales et caisses d’épargne (dont certaines ne vont pas bien). Or les élections approchent et Madame Merkel ne l’ignore pas…

Le Président de la Commission a été fort explicite dans son récent « Discours sur l’état de l’Union ». Il a bien montré que l’Union bancaire serait un pas fédéral. Au Parlement européen, très en pointe sur ce projet, Jean-Paul Gauzès, coordinateur pour le PPE de tous les textes financiers, a clairement souligné la portée d’une réforme qui répond à l’intérêt commun des pays de la zone euro.

Mais au moins en partie de par leur faute, faire avancer l’Europe est une tâche de plus en plus difficile pour des gouvernements confrontés à la dictature des sondages et à la sanction des électeurs qui attendent croissance plus que rigueur.

Pourtant, en améliorant la fiabilité du système bancaire et en le renforçant, l’Union bancaire serait un atout pour rétablir la confiance dans la capacité des Européens à se doter des outils de gouvernance dont ils ont besoin Cela vaut bien un nouveau transfert de souveraineté ! Et le plus tôt sera le mieux. 

La présidente Noëlle Lenoir

https://twitter.com/noellelenoir

  • Avocate
  • Membre honoraire du Conseil Constitutionnel
  • Conseiller d’État honoraire
  • Ministre déléguée aux Affaires européennes (2002-2004)
  • Présidente du Cercle des Européens (depuis 2004)
  • Présidente d’honneur-fondatrice (1994) de l’Association des Amis d’Honoré Daumier
  • Présidente du Cercle Droit et débat public (depuis 2019)
  • Membre de l’Académie des Technologies
  • Membre de l’American Law Institute
  • Administrateur de HEC Business School
  • Vice-Présidente d’ICC France
  • Présidente du Comité international de bioéthique de l’UNESCO (1993-1998)
  • Présidente du groupe de conseillers pour l’éthique de la biotechnologie de la Commission européenne (1994-1998)
  • Déontologue de l’Assemblée Nationale (2012-2014)
  • Présidente du Comité d’éthique de Radio-France (2017-2018)
  • Présidente du Comité Éthique et scientifique de Parcoursup (2018-2019)
  • Visiting Professor à la Faculté de droit de Columbia
  • University à New-York (2001-2002)
  • Professeure affiliée à HEC (depuis 2002)
  • Présidente de l’Institut d’Europe d’HEC (depuis 2004)
  • Bâtonnier honoraire de Gray’s Inn à Londres (depuis 1996)
  • Docteur honoris causa de Suffolk University à Boston (USA) et de University College London (Royaume Uni)
  • Honorary Fellow du Hasting Center (USA)

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