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Noëlle Lenoir, membre honoraire du Conseil constitutionnel, analyse la portée de la décision des Sages de la rue Montpensier dans Le Figaro daté du 16 août 2012.
La décision que le Conseil constitutionnel a rendue le 9 août sur le traité "sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire", dit traité "budgétaire", est un soulagement pour ceux qui craignaient qu'elle ouvre la voie d'une réviion de la Constitution. En jugeant celle-ci non nécessaire, le Conseil évite un débat politique à la France, y compris au sein de la majorité, susceptible de rompre l'accord fragile obtenu de ses partenaires par la chancelière allemande, autour de l'idée qu'il n'est plus possible d'admettre que certains pays ne doivent leur maintien dans l'eurozone qu'au soutien financier des autres.
De prime abord, la décision du 9 août - sans avoir la dimension historique de celle du 2 avril 1992 sur le traité de Maastricht - confirme l'engagement de la France en faveur de l'intégration européenne. A l'analyse cependant, cette décision comporte des zones d'ombre qu'il appartiendra au législateur de faire disparaître si l'on veut que l'opinion soit dûment éclairée sur les responsabilités qui nous incombent en tant qu'Européens appartenant à une communauté tant économique que politique.
Le traité budgétaire, sur lequel le Conseil a statué, est intergouvernemental, ce dont témoigne la non participation du Royaume-Uni et de la République tchèque. Comme ce fut le cas pour Schengen, le traité sera toutefois ultérieurement intégré dans les traités de l'Union, ce qui sera facilité du fait qu'il indique expressément prendre "pour base les traités sur lesquels l'Union européenne est fondée".
Le Conseil s'est référé à cette indication pour réduire la portée novatrice du traité et juger qu'aucune de ses stipulations n'était attentatoire aux "conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale". La construction européenne progresse par paliers et le Conseil constitutionnel avait en effet sagement rappelé en 1992, au nom du principe pacta sunt servanda, qu'il était exclu à l'occasion d'un nouveau traité de remettre en cause l'acquis des précédents. Or cet acquis à travers le pacte de stabilité et de croissance et les sanctions qui l'accompagnent, est très important en matière d'équilibre des finances publiques. Aussi n'a-t-il pas été difficile pour le Conseil de démontrer que le traité budgétaire se bornait à renforcer ces règles. Pour étayer sa démonstration, le Conseil a même pris en compte les législations adoptées par le Parlement européen en 2011, aggravant les règles du pacte et plaçant les Etats sous surveillance budgétaire, afin de conclure que le traité n'opérait aucun nouveau transfert de souveraineté par rapport au dispositif des traités précédents.
C'est en ce qui concerne la transposition en droit national des règles sur l'équilibre des finances publiques - la fameuse "règle d'or" - que le traité budgétaire marque une rupture. Selon ce dernier, cette transposition doit se faire "au moyen de dispositions contraignantes et permanentes, de préférence constitutionnelles, ou dont le plein respect et la stricte observance tout au long des processus budgétaires nationaux sont garantis de quelque autre façon". Le Conseil a logiquement constaté que les Etats étaient libres de déterminer le niveau du texte où faire figurer la règle : Constitution ou loi.
On est plus perplexe en revanche à la lecture du raisonnement adopté par le juge constitutionnel français au sujet du soutien à la formule de la loi organique. Car la décision du 9 août ne semble pas considérer que la France a désormais l'obligation d'assurer par ses procédures internes le respect quasi absolu de la règle d'or ; le Conseil lui-même n'étant pas prêt à aller plus loin que le contrôle qu'il exerce de la simple "sincérité" des comptes publics et des prévisions budgétaires.
Reste donc à savoir si la Cour de justice européenne, chargée de vérifier la validité de la transposition de la règle d'or dans les Etats, jugera suffisant le dispositif que le Parlement français mettra en oeuvre dans la future loi organique pour garantir l'effectivité d'une discipline commune, qui se veut l'amorce d'une véritable gouvernance de la zone euro.
https://twitter.com/noellelenoir
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