Le Cercle des Européens...
Pour une Europe réunie...
Ironie de l’histoire : alors que voici sept ans à peine, le couple franco-allemand faisait tout pour retirer au Pacte de Stabilité et de Croissance (PSC) tout caractère contraignant, aujourd’hui, l’Allemagne appuyée par la France veut au contraire lui redonner vie. Il était temps !
Redonner vie au Pacte de Stabilité et de Croissance : refaire ce que l’on a détricoté en 2004
Rappelons-nous que les deux pays faisaient l’objet en 2003 d’une procédure pour déficit excessif et risquaient de lourdes sanctions financières. Ces sanctions devaient leur être infligées sur la base des recommandations de la Commission européenne. Mais voilà ! Les gouvernements allemand et français ont convaincu leurs homologues au Conseil de ne pas suivre ces recommandations. Les Etats européens n’ont pas seulement d’ailleurs renoncé aux sanctions, mais ils ont obtenu de la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE), saisie d’un recours de la Commission, qu’elle vide en quelque sorte le PSC de sa portée. L’acte de décès du Pacte a une date précise, celle de l’arrêt de la Cour du 13 juillet 2004. (Aff. C-27/04)
Ainsi depuis 2004, les Etats membres font ce que bon leur semble. Ils décident en opportunité d’infliger ou non les sanctions prévues par le traité en cas de déficit excessif. Grande victoire de politique intérieure pour la France et l’Allemagne en 2004 ! Grande défaite pour l’euro dont la stabilité n’est plus garantie ! C’est pourquoi, avec le recul, le ton triomphaliste du communiqué de presse du Conseil d’alors se félicitant de l’arrêt de la Cour et se satisfaisant des engagements "fermes" pris par les Etats pour remédier à leurs déficits , apparaît dérisoire.
Depuis lors, l’Allemagne a été plus vertueuse que la France. Le Gouvernement de Gerhardt Schröder a mis en œuvre son "Agenda 2010" avec à la clé des réformes structurelles d’ampleur. En France, par contraste, aucune grande réforme n’a pu être adoptée. Peu importe finalement. Le mal était fait. Des Etats ont pu laisser filer leurs déficits et leur endettement sans que jamais aucune sanction n’ait été prise. La faillite de la Grèce, évitée de justesse, a été le point d’orgue d’un laxisme entretenu par les Etats, toléré par la Commission et avalisé par la Cour.
La crise financière mondiale a fait le reste. Venant à la rescousse de leurs banques et de leurs industries, les Etats ont vu leurs déficits et leur endettement atteindre des niveaux inégalés. Pour la deuxième fois, le Pacte de Stabilité s’est trouvé mis de côté, et les gouvernements en ont été réduits encore une fois à prendre des engagements vis à vis de la Commission et du Conseil.
L’institutionnalisation du Fonds monétaire européen, un coup de canif dans le contrat de confiance des pays de l’eurozone.
Le seul élément de gouvernance de la zone euro – un Pacte de Stabilité contraignant – ayant été de facto supprimé en 2004, il est actuellement question sous la pression des marchés financiers de lui redonner de la force. Il n’est jamais trop tard pour bien faire ! Malheureusement, faute d’avoir permis que les mécanismes du Pacte jouent leur rôle préventif, il va falloir à présent payer le prix fort, en institutionnalisant un Fonds monétaire européen (FME) destiné au sauvetage des Etats défaillants. Par ailleurs, pour faire "avaler la pilule", des mécanismes de sanction un peu plus crédibles seraient rétablis.
Au moment de l’entrée en vigueur du traité de Maastricht, il était entendu que l’adhésion à l’euro impliquait une politique économique rigoureuse dans les Etats membres concernés. Il n’était pas question en effet que la gestion aventureuse d’un Etat puisse porter atteinte à la stabilité de la monnaie européenne et entamer son attractivité. Aussi toute aide européenne en faveur d’un Etat membre de l’eurozone en difficulté financière est-elle exclue. L’article 123 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) pose clairement en principe que "1. Il est interdit à la Banque centrale européenne et aux banques centrales des États membres, ci-après dénommées "banques centrales nationales", d’accorder des découverts ou tout autre type de crédit aux institutions, organes ou organismes de l’Union, aux administrations centrales, aux autorités régionales ou locales, aux autres autorités publiques, aux autres organismes ou entreprises publics des États membres ; L’acquisition directe, auprès d’eux, par la Banque centrale européenne ou les banques centrales nationales, des instruments de leur dette est également interdite."
La fertile imagination des juristes a permis de trouver une base juridique- l’article 122 du TFUE - pour justifier les aides massives allouées par l’Union à la Grèce. Selon cet article, "Lorsqu’un État membre connaît des difficultés ou une menace sérieuse de graves difficultés, en raison de catastrophes naturelles ou d’événements exceptionnels échappant à son contrôle, le Conseil, sur proposition de la Commission, peut accorder, sous certaines conditions, une assistance financière de l’Union à l’État membre concerné. Le président du Conseil informe le Parlement européen de la décision prise." Les difficultés de la Grèce ont-elles "échappé à son contrôle" ? Sans doute non. Mais la situation d’urgence du pays et son impact sur l’euro ont conduit les Européens à se montrer plus qu’accommodants…
Toutefois, ce dispositif sur la base duquel la Commission, les Etats membres de l’eurozone et d’autres comme la Suède et la Pologne (pas le Royaume-Uni) en lien avec le Fonds monétaire international ont apporté 110 milliards d’euros à la Grèce – qui ne les remboursera jamais – n’est pas pérenne.
C’est donc son institutionnalisation qui a été décidée par le Conseil européen du 29 octobre, Madame Merkel faisant valoir que l’utilisation du FME devait être limitée au cas de "véritable menace sur la stabilité de l’euro". Dans le même temps, la Chancelière parvenait "en franco-allemand" à faire mettre sur la table la question de l’aggravation des sanctions pour déficits excessifs.
Le Conseil européen du 29 octobre, un compromis limité pour un impératif de rigueur.
Le Conseil européen du 29 octobre va dans le sens de la mise en place d’une gouvernance économique européenne. C’est un progrès : les sanctions pour déficits excessifs pourront être recommandées par la Commission avant que les Etats aient dépassé le seuil de 3% de déficit budgétaire. L’appréciation de la situation des Etats pourra se fonder – outre sur le déficit budgétaire ou un taux d’endettement excessif - sur de nouveaux paramètres : l’existence d’une bulle immobilière et l’évolution de la compétitivité du pays.
Le progrès est cependant limité. Il n’y aura toujours pas de sanctions automatiques telles qu’elles étaient préconisées par la Banque centrale européenne et l’Allemagne. La France s’y est opposée. En outre, la proposition allemande appuyée cette fois-ci par la France d’instaurer un système de sanctions politiques – suspension des droits de vote (à l’instar de ce qui est prévu en cas de violation des droits de l’homme par un gouvernement) – est à l’étude…
Enfin, le fait que ces modifications passent par une modification du traité fait craindre à bon droit d’ouvrir la boîte de Pandore. Après dix ans de péripéties avant d’aboutir à la mise en œuvre d’un traité de Lisbonne sensiblement édulcoré par rapport à l’ambition du traité constitutionnel, on comprend aisément ces craintes.
Pour autant, la campagne orchestrée par une certaine presse anglo-saxonne qui n’a de cesse d’annoncer la fin de l’euro, en invoquant l’échec de la Chancelière allemande qui n’aurait pas pu faire partager ses vues, est de particulière mauvaise foi. Le thème des sanctions contre les Etats défaillants qu’Angela Merkel a fait inscrire à l’ordre du jour du Conseil a concentré tous les débats. De plus, en dépit de divergences sur la possibilité de changer les traités, aucun Etat ne conteste qu’il faut faire quelque chose pour consolider le succès de l’euro.
En guise conclusion :
L’Europe n’a en tout état de cause pas le choix. Si aucune suite n’est donnée aux conclusions du Conseil européen du 29 octobre, la Cour constitutionnelle de Karlsruhe pourrait bien avoir le dernier mot. Les juges de la Cour, qui inspirent directement la démarche de Madame Merkel, sont en embuscade : si rien n’est fait pour contrebalancer la mise en place du FME - impliquant la suppression de facto de la clause d’interdiction du "bail out" de l’article 123 du traité - la Cour pourrait finir par dire stop. Elle a déjà rendu plusieurs décisions dans lesquelles elle souligne les contraintes du transfert de la souveraineté monétaire à l’Union européenne : que cela n’entraîne pas de charges pour le contribuable allemand ! Si la Cour décidait que le FME contrevient à ce principe, elle pourrait obliger l’Allemagne à revoir son adhésion à l’euro. On n’en est pas là, n’en déplaise à certains milieux financiers. Mais il ne faut pas prendre à la légère les signaux d’alerte en provenance de Karlsruhe.
Madame Merkel les a entendus. Faisons de même ! Et le couple franco-allemand ne s’en portera que mieux.
https://twitter.com/noellelenoir
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