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Intervention du 06-05-2010

In ou out, les Anglais doivent choisir

L’Europe n’a pas passionné les électeurs britanniques durant la campagne qui vient de s’achever. Cela ne signifie pas que la question de la position singulière du Royaume-Uni dans l’Union européenne ne se pose pas. En effet, au-delà de l’indifférence, c’est bien l’euro-scepticisme qui, outre-Manche, est au zénith. Jamais les programmes politiques des grands partis n’ont été plus défensifs, voire négatifs, vis-à-vis de la construction européenne.

Jamais les partenaires de la Grande-Bretagne ne se sont autant interrogés sur l’attitude à attendre de la part des nouveaux dirigeants de ce pays, à la veille d’échéances économiques et sociales cruciales liées à la crise.

Tribune de Noëlle Lenoir, publié dans le magazine Challenges, n°211, le 6 mai 2010

L’Europe n’a pas passionné les électeurs britanniques durant la campagne qui vient de s’achever. Cela ne signifie pas que la question de la position singulière du Royaume-Uni dans l’Union européenne ne se pose pas. En effet, au-delà de l’indifférence, c’est bien l’euro-scepticisme qui, outre-Manche, est au zénith. Jamais les programmes politiques des grands partis n’ont été plus défensifs, voire négatifs, vis-à-vis de la construction européenne. Jamais les partenaires de la Grande-Bretagne ne se sont autant interrogés sur l’attitude à attendre de la part des nouveaux dirigeants de ce pays, à la veille d’échéances économiques et sociales cruciales liées à la crise.

Le gouvernement issu des élections du 6 mai entend-il ou non respecter le principe de solidarité qu’implique la mise en oeuvre du traité de Lisbonne ? Le peuple britannique est-il prêt à accepter que son Etat se plie à la règle commune européenne, que ce soit pour réguler les marchés financiers ou pour participer à un espace commun de justice et de sécurité ? L’agenda européen du futur gouvernement est déjà bien rempli. Dès la fi n du mois de mai, par exemple, il devra délibérer avec ses partenaires sur la future directive hedge funds, en discussion au Parlement européen, et se prononcer sur le contrôle des innombrables fonds offshore dont les gestionnaires sont à Londres. Le temps presse. Le gouvernement britannique doit savoir s’il veut contribuer à renforcer une Europe dont la faiblesse présente met en cause son existence même, ou s’il veut continuer à rester dans un entre-deux. Or "it cannot remain sitting on the fence", selon le vieux dicton suivant lequel on ne peut être à la fois dehors et dedans.

Nick Clegg a la solution. Elle lui a été inspirée par le traité de Lisbonne, le premier à permettre à un Etat de se retirer de l’Union européenne. Dans son programme, le chef des libéraux-démocrates a proposé - en cas de "changement fondamental" des relations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne - l’organisation d’un référendum sur le maintien du Royaume-Uni dans l’Union ou son retrait. Bonne et courageuse idée. Chiche ! Et d’ailleurs, pourquoi ne pas trancher dans le vif dès maintenant ? Pourquoi repousser ce référendum ? Les partenaires du Royaume-Uni et les Britanniques eux-mêmes seraient fixés - enfin. Ils sauraient si l’on va inéluctablement vers un éclatement de l’Union. Ou si, au contraire, à la surprise générale, l’Europe redynamisée retrouve son souffle communautaire initial. La situation actuelle n’est en effet pas tenable. L’Europe a atteint un tel degré d’intégration qu’il n’est plus possible de la faire convenablement fonctionner si l’un de ses principaux acteurs - le Royaume-Uni - n’est pas décidé à jouer le jeu.

Le gouvernement britannique ne peut plus se contenter de détricoter le cadre juridique de l’espace européen en poussant, comme il l’a fait ces dernières années, à une dérégulation à outrance. Celle-là même qui a conduit à la faillite du système bancaire avec, pour dommage collatéral, celle des Etats. Le gouvernement britannique ne peut continuer à multiplier les opt out, lui permettant de picorer dans les traités ce qui lui convient, en se dispensant d’appliquer les règles qui ne lui conviennent pas. Le conservateur David Cameron a annoncé son intention de renégocier tous les transferts de compétence à l’Union européenne, pour ne garder que le marché commun. C’est une vue de l’esprit. Et si les Britanniques, en réitérant leur adhésion à l’Europe, faisaient mentir le grand Churchill qui, tout en se présentant comme le plus proeuropéen que le sol d’Albion ait jamais porté, n’a en réalité jamais cru que son pays avait sa place dans la Communauté européenne ? "We are with Europe but not of it. We are linked but not comprised", disait-il. Pour conserver son statut de grande puissance, à travers le Commonwealth et sa relation transatlantique privilégiée, le Royaume-Uni devait se tenir à l’écart du projet continental européen.

Aujourd’hui, la grande puissance, plus que le Royaume-Uni, c’est la City. Le Royaume-Uni est devenu un des grands pays de l’Europe où, hélas, admettons-le, il n’y a plus de grande puissance. L’Union ne menace ni l’existence du Commonwealth, ni le lien de la Grande-Bretagne avec les Etats-Unis, qui s’est au demeurant distendu du fait du désintérêt du président Obama pour l’aventure européenne. Rien ne devrait plus empêcher les Britanniques de s’amarrer définitivement à l’Europe. A moins qu’ils ne veuillent tourner la page. Dans ce cas, il faut le faire savoir, et vite, en votant par référendum, suivant la judicieuse proposition de Nick Clegg. La grande question tenue cachée de cette campagne électorale, c’est donc bien celle de l’avenir de la Grande-Bretagne en Europe. Personne n’en parlait, mais tout le monde y pensait. Maintenant, le nouveau gouvernement britannique a pour responsabilité d’y répondre.

La présidente Noëlle Lenoir

https://twitter.com/noellelenoir

  • Avocate
  • Membre honoraire du Conseil Constitutionnel
  • Conseiller d’État honoraire
  • Ministre déléguée aux Affaires européennes (2002-2004)
  • Présidente du Cercle des Européens (depuis 2004)
  • Présidente d’honneur-fondatrice (1994) de l’Association des Amis d’Honoré Daumier
  • Présidente du Cercle Droit et débat public (depuis 2019)
  • Membre de l’Académie des Technologies
  • Membre de l’American Law Institute
  • Administrateur de HEC Business School
  • Vice-Présidente d’ICC France
  • Présidente du Comité international de bioéthique de l’UNESCO (1993-1998)
  • Présidente du groupe de conseillers pour l’éthique de la biotechnologie de la Commission européenne (1994-1998)
  • Déontologue de l’Assemblée Nationale (2012-2014)
  • Présidente du Comité d’éthique de Radio-France (2017-2018)
  • Présidente du Comité Éthique et scientifique de Parcoursup (2018-2019)
  • Visiting Professor à la Faculté de droit de Columbia
  • University à New-York (2001-2002)
  • Professeure affiliée à HEC (depuis 2002)
  • Présidente de l’Institut d’Europe d’HEC (depuis 2004)
  • Bâtonnier honoraire de Gray’s Inn à Londres (depuis 1996)
  • Docteur honoris causa de Suffolk University à Boston (USA) et de University College London (Royaume Uni)
  • Honorary Fellow du Hasting Center (USA)

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