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Décidément, les électeurs britanniques ne s’intéressent pas à l’Europe. Ils n’imaginent pas que l’Union européenne puisse leur être d’une quelconque utilité. Ils se sentent d’autant moins concernés que les trois chefs des principaux partis engagés dans la campagne pour les élections du 6 mai -Gordon Brown, David Cameron et Nick Clegg- évitent soigneusement ce sujet qui fâche. Pour eux, débattre de l’Europe serait contre-productif, alors que l’euroscepticisme est plus fort que jamais.
Tribune de Noëlle Lenoir, publiée dans le magazine Challenge, du 28 avril 2010.
DECIDEMENT, les électeurs britanniques ne s’intéressent pas à l’Europe. Ils n’imaginent pas que l’Union européenne puisse leur être d’une quelconque utilité. Ils se sentent d’autant moins concernés que les trois chefs des principaux partis engagés dans la campagne pour les élections du 6 mai -Gordon Brown, David Cameron et Nick Clegg- évitent soigneusement ce sujet qui fâche. Pour eux, débattre de l’Europe serait contre-productif, alors que l’euroscepticisme est plus fort que jamais.
En dehors des manifestes ultranationalistes des partis extrêmes qui ont récemment fait leur apparition dans le pays, les programmes de ces trois partis marquent un durcissement indéniable vis-à-vis d’une Europe qui suscite toujours autant de méfiance, si ce n’est la réprobation.
Le programme du Labour revendique sans doute un leadership européen de la Grande-Bretagne, mais sans intégration et sans faire la moindre allusion à de possibles avancées. Au contraire. Pas d’Europe sociale, une révision drastique de la Politique agricole commune, et pas d’euro sauf s’il en est décidé par référendum, voilà les axes principaux du programme. Les travaillistes réalisent même le tour de force de ne pas piper mot de la régulation financière, notamment concernant les hedge funds, actuellement en discussion au Parlement européen et dont le prochain gouvernement aura à délibérer avec ses partenaires fin mai à Bruxelles.
Le programme des Tories est lui d’une tonalité ouvertement antieuropéenne. Il est vrai que David Cameron avait annoncé la couleur après les élections au Parlement européen de 2009. Il avait alors fait sortir son groupe du Parti Populaire Européen (PPE auquel appartiennent l’UMP et la CDU) pour former, aux côtés d’extrémistes polonais, tchèques et lettons, le groupe des Conservateurs et Réformateurs européens (ECR). Il avait même promis de lancer, s’il était Premier ministre, un référendum pour revenir sur la ratification du traité de Lisbonne. Cette promesse ne figure plus dans son manifeste, mais c’est tout comme. Il annonce l’adoption d’une "loi de souveraineté du Royaume-Uni". Toute évolution de la construction européenne sera bloquée, sauf si les Britanniques l’acceptent par référendum. Des négociations seront engagées pour remettre en cause la participation du pays à la plupart des actions en matière sociale et de justice. Cette nette distanciation de l’Union européenne correspond à l’état d’esprit des nouveaux Tories. Comme l’a souligné Graham Watson, député européen libéral démocrate, "les futurs députés propulsés par David Cameron sont des jeunes très opposés à la construction européenne, tout comme les jeunes loups de la City".
Le programme des libéraux-démocrates se veut europhile, à l’instar de Nick Clegg lui-même, ancien conseiller de Leon Brittan, commissaire européen au Commerce dans les années 90. Clegg est le seul en effet à afficher sa volonté de travailler avec les autres Etats à la mise en place d’une régulation financière européenne. Il est le seul à affirmer son adhésion à l’Europe de la justice. Il est le seul à parier sur l’adoption "à long terme et par référendum" de l’euro par les Britanniques. Mais que propose-t-il ? Pas grand-chose à part une réforme (vraisemblablement pour en réduire l’importance) de la PAC, une réforme du budget européen (certainement pas pour en augmenter le dérisoire montant) et... la suppression du siège du Parlement européen à Strasbourg.
Rien de très rassurant donc pour ceux qui croient encore en la possibilité de construire une Europe politique. Les projets européens qui font consensus dans la classe politique britannique n’œuvrent au demeurant pas vraiment en ce sens. Le premier est certes en phase avec l’une des politiques les plus volontaristes : le développement durable. Les responsables britanniques entendent promouvoir un second Kyoto renforçant les obligations du premier Protocole. Mais n’est-ce pas avant tout conforme aux intérêts du marché de Londres, première place mondiale pour la finance de l’énergie et des certificats carbone ?
Quant à l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, plébiscitée par tous les grands partis, elle est surtout vue, avec un certain cynisme, comme le moyen d’écarter définitivement le spectre d’une Europe supranationale.
Quels qu’en soient les résultats, y compris dans l’hypothèse favorable d’un Lib/Dem au zénith, les Européens n’ont rien à attendre des résultats des élections britanniques. L’euroscepticisme britannique est fondamental et n’a jamais cessé d’exister. Déjà, le grand Churchill, pourtant le plus pro-européen que le sol d’Albion ait jamais porté, ne croyait pas souhaitable l’intégration de son pays dans l’Europe. "We are with Europe, but not of it. We are linked but not comprised", disait-il. Pour conserver son statut de grande puissance, à travers le Commonwealth et sa relation transatlantique privilégiée, le Royaume-Uni devait se tenir à l’écart du projet continental européen. Tout en l’empêchant de se concrétiser.
Cette position est-elle toujours tenable ? A mon avis, non. Il faudra bien qu’un jour ou l’autre les Britanniques se prononcent sur leur appartenance à l’Europe. C’est ce qu’envisage Nick Clegg. Il propose un référendum sur le maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne. Chiche ! Prendrait-il alors la responsabilité d’un éclatement de l’Union ? Ou bien, à la surprise générale, l’Europe retrouverait-elle son souffle communautaire initial ?
https://twitter.com/noellelenoir
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