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L’offre qui vient d’être faite par la France au Royaume-Uni de devenir ensemble une force d’entraînement en Europe a donc une signification autre que celle de l’approfondissement de l’intégration européenne, objectif qui est au coeur de la coopération franco-allemande, décrypte Noëlle Lenoir, ancien ministre, présidente de l’Institut d’Europe d’HEC et du Cercle des Européens.
Chronique publiée dans le journal La Tribune, le 2 avril 2008.
La visite d’Etat du président Sarkozy à Londres les 26 et 27 mars marque-t-elle un tournant historique ? Cette alliance se substituerait-elle au couple franco-allemand dans son rôle moteur pour faire avancer l’Europe ? Jamais un dirigeant français n’avait de la sorte exprimé son désir de voir s’établir une véritable "fraternité" franco-britannique. Les temps ont changé depuis la fameuse poignée de mains entre le général de Gaulle et Konrad Adenauer sur le perron de l’Élysée lors de la signature du traité d’amitié entre la France et l’Allemagne de 1963.
La relation franco-allemande n’est en effet plus suffisante dans une Union de vingt-sept Etats membres, grands et petits, dont chacun entend prendre sa part dans la consolidation de l’édifice. Jusqu’à présent, il était néanmoins entendu que l’Allemagne et la France, au-delà de leurs identités contrastées, avaient pour vocation naturelle d’éclairer la lanterne de leurs partenaires de par leur vision commune d’une Europe politique intégrée. Ce qui a conduit à des réalisations aussi remarquables que la création de l’euro ou la mise en place de l’espace Schengen.
Il était également acquis que les Britanniques étaient fondamentalement eurosceptiques et soucieux avant tout d’éviter que l’Europe ne vienne gêner leur "special relationship" avec Washington. C’est pourquoi nul n’avait imaginé que le couple franco-britannique pourrait être la locomotive de l’Europe.
L’offre qui vient d’être faite par la France au Royaume-Uni de devenir ensemble une force d’entraînement en Europe a donc une signification autre que celle de l’approfondissement de l’intégration européenne, objectif qui est au coeur de la coopération franco-allemande. Cette proposition résulte semble-t-il d’une approche géostratégique des grands enjeux mondiaux que sont la croissance économique, la défense de la démocratie, la sécurité d’approvisionnement en matières premières ou encore la protection environnementale de la planète. Elle se détache donc d’une vision proprement européenne.
C’est bien ce qui ressort du discours du président Sarkozy qui, devant les chambres réunies du parlement de Westminster, a insisté sur les similitudes entre le Royaume-Uni et la France et sur leurs épreuves partagées pendant la dernière guerre pour amener à considérer la nécessité d’une alliance entre les deux pays face aux menaces d’aujourd’hui.
Seuls en Europe à être membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, à avoir des troupes nombreuses engagées à travers le monde (15.000 soldats de part et d’autre), anciennes puissances coloniales et très actuelles puissances nucléaires, la France et la Grande-Bretagne sont donc appelées à joindre leurs efforts pour que les démocraties européennes soient plus fortes sur la scène mondiale.
Il est trop tôt pour mesurer les conséquences de cette orientation politique sur la marche des institutions européennes. Au demeurant, les dossiers évoqués lors du sommet franco-britannique tenu en parallèle de la visite d’Etat - en dehors de la confirmation du lancement de la révision de la politique agricole commune (PAC) - ont surtout eu une dimension bilatérale (en matière de nucléaire civil, d’armement, d’immigration ou encore d’apprentissage des deux langues) ou internationale (régulation des marchés financiers et réforme des organisations financières comme le FMI et la Banque mondiale).
L’impression que l’on peut retenir à ce stade de cette visite d’Etat exceptionnelle est double. D’une part, l’admiration manifestée pour les réformes menées en Grande-Bretagne, qui font de ce pays selon le président de la république un "benchmark pour la France", est en soi un message adressé à l’opinion publique française. Et ce message est clair : la réforme en France est plus que jamais d’actualité.
D’autre part, les Français se voient rappeler le rang de grande puissance de leur pays capable avec le Royaume-Uni de peser efficacement sur les affaires du monde. Il n’en reste pas moins que, pour faire l’Europe politique - à défaut de laquelle la construction européenne finirait un jour par s’écrouler -, il faudra sans nul doute et avant tout continuer à compter sur la force motrice irremplaçable des convictions européennes de la France et l’Allemagne et sur la dynamique nouvelle de l’Europe élargie à l’échelle du continent.
https://twitter.com/noellelenoir
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