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La stratégie de Lisbonne n’a pas permis à l’Union européenne d’atteindre ses objectifs de compétitivité. Quelles en sont, selon vous, les raisons ?
En effet, la stratégie de Lisbonne n’a pas rencontré le succès escompté. Trois grandes raisons peuvent être avancées :
- un programme surdimensionné avec une pléthore d’objectifs et d’indicateurs, mais aucun mécanisme d’application au niveau de l’UE qui aurait garanti, de la part des États membres, la prise des mesures requises en temps opportun ;
- une mauvaise coordination : les progrès ont été inégaux parmi les États membres, tant dans la mise en œuvre des réformes nationales que dans la transposition de la législation européenne ;
- des priorités contradictoires : les États membres n’ont pas réussi à s’accorder sur un ensemble bien défini de priorités et ont eu tendance à interpréter la stratégie chacun à sa manière.
La plupart des mesures nécessaires pour atteindre les objectifs de Lisbonne se situaient au niveau national, mais les États n’ont pas réussi à s’approprier la stratégie et n’ont pas su voir que sa mise en œuvre était dans leur propre intérêt à long terme.
La stratégie Europe 2020 remédie-t-elle à ces failles ?
Les objectifs d’Europe 2020 sont mieux définis et plus concentrés que ceux de la stratégie de Lisbonne. Le but n’est plus formulé par rapport aux économies du reste du monde – la stratégie de Lisbonne visait à créer "l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde" –, mais plutôt par rapport à l’économie de l’UE elle-même, que l’on veut plus productive et créatrice d’emplois. Le nouveau programme vise à une croissance intelligente, durable et inclusive mettant l’accent sur l’innovation, l’éducation, l’écologie et la société numérique – c’est-à-dire, les stratégies de l’avenir. Par ailleurs, Europe 2020 devrait bénéficier d’un meilleur mécanisme d’application. Les États membres doivent présenter des "programmes de réforme nationaux" décrivant comment ils entendent atteindre les objectifs, et le Conseil européen évaluera leurs progrès sur cette voie une fois par an, lors d’un sommet de l’UE. La Commission européenne pourra formuler des "avertissements" à l’encontre des États membres qui affichent des progrès insuffisants. En bref, le programme Europe 2020 est mieux conçu que la stratégie de Lisbonne. Une chose est claire, toutefois : il ne fonctionnera que si les États membres se l’approprient et comprennent qu’il est dans leur propre intérêt national de mettre en œuvre les politiques qu’il implique.
Quel va être le rôle de la BEI dans la mise en œuvre de la stratégie Europe 2020 ? Quels domaines et quels types d’action vous semblent prioritaires ?
Nous avons l’intention de jouer un rôle important dans la réalisation des objectifs d’Europe 2020. Nous avons créé une "Task Force" ad hoc qui s’intéresse tout particulièrement aux transports, à la recherche-développement et à l’innovation, à l’énergie, et à la lutte contre les changements climatiques, et qui devra mettre au service de l’UE les compétences de la BEI en ingénierie financière, afin de l’aider à atteindre ces objectifs. En ce moment, cette "task force" établit le "business plan" de la BEI pour les prochaines années et rédige des propositions sur la meilleure façon de tirer parti, financièrement, des fonds européens et des contributions des États membres durant ce qui sera inévitablement une période d’assainissement budgétaire.
Depuis plusieurs années, la BEI concentre son effort de financement sur les PME. Quel est votre diagnostic de la situation des PME en Europe et plus particulièrement des PME industrielles ?
Il ne fait aucun doute que les PME sont indispensables à la prospérité de l’Europe. Ces entreprises apportent une contribution majeure à la croissance économique et à l’emploi. Mais il est également indubitable qu’elles sont confrontées à des blocages qui freinent leur développement. Dans les enquêtes, les PME dénoncent les obstacles administratifs, les restrictions sur les marchés de l’emploi et des produits et la fiscalité élevée – des problèmes qui les handicapent davantage que les grandes entreprises. En outre, les entreprises très jeunes, très petites ou très innovantes rencontrent des problèmes de financement. Les études menées par la BEI montrent que les entreprises de ce type obtiennent des volumes de financement inférieurs à leurs besoins et qu’elles les payent plus cher qu’elles ne le devraient. Le Groupe BEI a un rôle très utile à jouer sur ce plan.
Quel est le bilan de votre action dans ce domaine ?
Les prêts en faveur des PME constituent une part significative de la masse des prêts accordés par la BEI depuis le début de la crise financière et économique. Rien qu’en 2009, la BEI a prêté 12,7 milliards d’EUR à des banques intermédiaires sous la forme de lignes de crédit aux fins de rétrocession à des petites entreprises, un montant en hausse de 55 % par rapport à 2008. La BEI a ainsi touché plus de 50 000 entreprises dans toute l’UE. Sur la période de 18 mois entre septembre 2008 et mars 2010, sa contribution totale au Plan européen de relance économique pour ce qui est du soutien aux PME s’élève à 18,2 milliards d’euros de prêts signés ; la BEI est donc bien partie pour atteindre l’objectif de 30 milliards d’euros qu’elle s’est fixé pour la période 2008-2011.
Après l’économie de la connaissance, l’UE a-t-elle raison de miser sur l’économie verte ?
Tout à fait, et cela fait partie du programme Europe 2020. Nous devons toutefois être clairs sur un point : le soutien aux investissements "verts" est d’abord justifié au titre de la protection de l’environnement. Certes, les investissements en faveur de l’environnement ont aussi pour effet de stimuler la croissance économique et l’emploi. Mais est-ce que le fait de soutenir les investissements verts contribue davantage à la croissance et à l’emploi que de soutenir, par exemple, les biotechnologies, l’enseignement ou la recherche-développement fondamentale ? La réponse est loin d’être évidente. Surtout, c’est une question qu’on ne devrait pas se poser, car, en réalité, le soutien aux investissements verts se justifie pleinement par les vertus écologiques des projets financés.
Certains plaident pour un rôle renforcé de la BEI dans la mise en œuvre des objectifs économiques de l’UE. Pouvez-vous nous en dire plus ?
La BEI joue déjà un rôle important en finançant des investissements à long terme dans des domaines critiques. Nous avons dû, depuis le début de la crise économique et financière, sortir du schéma classique de notre activité, car il a fallu faire davantage, mieux et plus vite. Dans un contexte extraordinairement agité, nous avons tiré parti de l’excellente qualité de notre signature pour apporter des financements là où les banques commerciales ne souhaitaient pas ou ne pouvaient pas le faire. Dans le cadre du Plan européen de relance économique, nous avons déployé un volume sans précédent de prêts et d’autres mécanismes de financement pour tenter d’atténuer les difficultés d’accès au crédit, en particulier pour les petites et moyennes entreprises.
Nous en sommes arrivés à une phase clé où doit se décider le niveau de la participation de la BEI à des stratégies et à des projets phares, tels qu’Europe 2020 ou le financement de la lutte contre les changements climatiques dans l’après-Copenhague. La BEI est prête à collaborer encore plus étroitement avec les États membres et la Commission européenne, et à proposer des instruments de financement innovants qui aideront à relever ces défis.
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