Le Commandant Massoud et la Présidente du Parlement européen, Nicoale Fontaine.
Reçu par la Présidente du Parlement européen pour sa première visite en Europe, le commandant Massoud est venu dénoncer la terreur du régime des talibans et mettre en garde l’Occident face à la montée des groupuscules terroristes en Afghanistan... 6 mois avant les attentats du 11 septembre.
En invitant le commandant Massoud au Parlement européen, Nicole Fontaine tenait à témoigner de l’indignation des Européens face "aux atteintes répétées de la part des talibans contre les droits fondamentaux et la dignité de la personne humaine". Alors que peu de responsables politiques en Europe y prêtaient une réelle attention, la Présidente du Parlement européen s’est associée aux mises en garde du commandant Massoud face à la montée des groupuscules terroristes en Afghanistan.
A la tête de l’Alliance du Nord, Ahmad Shah Massoud, fait figure en 2001 d’unique leader capable de résister aux talibans et d’unique espoir de reconstruire en Afghanistan un régime démocratique et capable de combattre le terrorisme. Le geste de Nicole Fontaine illustre sa volonté d’assurer à ce leader courageux la reconnaissance politique de la Communauté Internationale.
Depuis 1996, date à laquelle les Talibans s’emparent de Kaboul en chassant les troupes de Massoud et le gouvernement présidé par Burhanuddin Rabbani, les hommes du mollah Omar installent en Afghanistan un régime fondé l’application la charia. Obligation d’assister à la prière, interdiction de toute participation à une vie publique ou professionnelle pour les femmes, obligation pour elles de porter la burqua - véritable prison portative - sous peine d’être fouettées, obligation pour les hommes de porter la barbe, tout cela sous le contrôle du "Ministère pour la promotion de la vertu et la répression du vice". Ce sont tous les aspects de la vie des Afghans qui sont sous contrôle : musique, théâtre, cinéma et télévision sont interdits. Les peines instaurées par la charia sont particulièrement cruelles : amputation ou lapidation, notamment pour les femmes jugées pour "crime" d’adultère.
Au nom de l’interdiction de toute représentation humaine, les talibans détruisent, en mars 2001, les statues de bouddhas géants à Bamyan, un trésor de l’art vieux de quinze siècles. Cet acte fanatique provoque enfin une prise de conscience de l’opinion publique internationale. C’est cette réalité que le commandant Massoud est venu dénoncer à Strasbourg : "l’existence d’un système politique qui, au nom d’un islam dévoyé, nie les droits les plus élémentaires à la personne humaine".
Avec Nicole Fontaine il a exhorté la communauté internationale à faire pression sur le Pakistan, afin qu’il cesse "son soutien à ce régime qui, en raison de son fanatisme, est une menace pour la société internationale". Avec l’appui du Pakistan, le régime taliban est en effet devenu le centre des réseaux d’Al-Qaïda et le lieux d’entraînement de jeunes musulmans, souvent des adolescents, venus d’Europe et du Moyen-Orient afin de combattre contre l’Alliance du Nord de Massoud et de former des réseaux terroristes.
Les événements qui suivirent la visite du commandant Massoud au Parlement européen donnent rétrospectivement encore plus de relief à cette rencontre exceptionnelle.
Le 9 septembre 2001, Ahmad Shah Massoud est victime d’un attentat suicide par deux jeunes terroristes qui s’étaient fait passer pour des journalistes venant l’interviewer.
Ce fut la première étape d’une série de violences terroristes et de drames. Deux jours plus tard, des avions pilotés par des kamikazes d’Al-Qaïda faisaient exploser à New York les deux tours du World Trade Centre, et manquaient (grâce au courage des otages) de s’écraser sur le Pentagone.
Six mois auparavant, le commandant Massoud avait pourtant prévenu de la menace que représentait Al-Qaïda et Ben Laden pour le monde libre.
Ahmad Shah Massoud : "Le lion du Panjshir"
Avant de combattre le régime taliban, le commandant Massoud était l’un des plus emblématiques chefs de la résistance afghane à l’occupation soviétique. Né en 1953 dans la vallée du Panjshir, au nord-est de l’Afghanistan, Ahmad Shah Massoud, appartient à l’ethnie des Tadjiks. Il fait des études à Kaboul, au lycée français puis à l’École polytechnique. Militant du parti islamiste modéré, le Jamiat-i-Islami dirigé par Burhanuddin Rabbani, Massoud prend la tête du Conseil du Nord, futur Alliance du Nord et prends les armes en 1978 au moment du coup d’état fomenté par Moscou et de la prise de pouvoir des communistes. En décembre 1979, l’armée soviétique entre en Afghanistan pour un conflit qui durera 10 ans et fera plus d’un million de morts.
Surnommé "le lion du Panjshir", le commandant Massoud acquiert sa réputation de chef miliaire dans la vallée du Panjshir où il repousse les assauts successifs de l’armée soviétique qui est alors l’une des plus puissantes au monde. Opposé à tout extrémisme politique ou religieux, en même temps que fin stratège, le commandant Massoud est le seul chef de la résistance afghane à avoir négocié une trêve avec les généraux soviétiques.
Tandis que l’armée soviétique se retire de l’Afghanistan en février 1989, il faudra attendre 3 ans pour que le régime communiste s’effondre. Le Commandant Massoud entre le 19 avril 1992 à Kaboul et devient ministre de la Défense du gouvernement dirigé par Rabbani. Le régime islamiste modéré que Massoud et Rabbani tentent d’installer est d’emblée fragilisé par les conflits inter ethniques entre Tadjiks, Ouzbeks et Pachtounes. Une partie des Pachtounes, les plus fondamentalistes, rejoints par d’autres fondamentalistes musulmans, soutenus par le Pakistan, choisissent l’opposition ouverte au nouveau gouvernement. Apparus depuis 1994, les talibans (eux même de l’ethnie des Pachtounes) fédèrent les Pachtounes pour conquérir l’Ouest afghan. Du chaos et l’anarchie laissés par 10 années de guerre, Kaboul tombe dans la guerre civile. Le 26 septembre 1996, le commandant Massoud est contraint d’abandonner la ville et de se replier dans la vallée du Panjshir, d’où commencera une autre résistance, celle au fondamentalisme et au régime taliban.