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Rencontre du 27-09-2010
Joaquín Almunia
Commissaire européen à la Concurrence

Joaquín Almunia

Face aux défis de la globalisation, Joaquín Almunia a défendu une conception de la politique de la concurrence au service du renforcement du marché intérieur et de la compétitivité de l’Union.

Soulignant le besoin d’encourager les investissements étrangers en Europe, le Vice-président a toutefois appelé au respect réciproque des règles de concurrence.

La politique européenne de la concurrence dans un monde global

Interrogé sur la compatibilité entre Concurrence et Compétitivité, eu égard au fait que l’Europe s’assigne des règles d’ouverture des marchés que ne respectent pas les pays tiers concurrents et interpellé sur les incidences de la modification du traité de Lisbonne qui a relégué la concurrence parmi les moyens du marché intérieur (au lieu d’être un objectif en soi), le Commissaire chargé de la concurrence a indiqué que si la concurrence est un moyen, elle n’en demeure pas moins un moyen essentiel pour construire le marché intérieur et faire l’Europe. Il a ajouté que les idées de Jean Monnet étaient présentes à cet égard dans les analyses de la Commission.

Certes, la nouvelle donne, c’est le monde global, mais précisément, la politique européenne de la concurrence a pour objet de renforcer le marché intérieur dans un monde global. La politique de concurrence, a souligné le Commissaire, n’est pas responsable de nos faiblesses. L’Allemagne est le premier exportateur mondial devant la Chine ! Et ce, malgré des standards environnementaux et sociaux en Chine qui ne sont pas du tout ceux de l’Europe.

Au plus fort de la crise de 2008, il était question de mettre de côté la politique de la concurrence, et ce n’est pas ce qui a été fait. Pour sortir de la crise, il faut encourager l’innovation et favoriser la réallocation des ressources en faveur des techniques nouvelles, et la concurrence est un moyen-clé pour y parvenir afin de demeurer compétitif.

Concentrations et abus de position dominante

Concernant les concentrations, en période de crise, il y en a moins, et donc il y a moins d’affaires pour la Commission dans ce domaine par rapport à 2007. En règle générale, la proportion de concentrations problématiques est relativement faible mais, lorsqu’elles le sont, il faut intervenir. Les consommateurs, mais aussi les clients directs (qui sont souvent des PMEs) ne doivent pas être pénalisés deux fois, une fois du fait de la crise et une fois parce qu’ils subissent les conséquences négatives de concentrations d’entreprises qui acquièrent un pouvoir de marché excessif.

Il en va de même des abus de position dominante et des ententes. A cet égard, il a expliqué que prendre en compte les "cartels de crise" lorsque des entreprises s’accordent pour maintenir les prix à un certain niveau ne se justifie pas : cela ne fait que reporter sur les clients, le plus souvent des PMEs, les problèmes d’inefficacité de certaines entreprises d’un secteur. La compétitivité de ces PMEs s’en trouve ensuite sérieusement affectée, au détriment de tous.

Cela étant, la Commission n’est pas du tout opposée aux fusions. Le refus est l’exception. Dans les dernières années, le seul refus opposé par Madame Nelly Kroes, Commissaire à la concurrence de 2004 à 2009, a concerné la fusion Ryanair/Air Lingus en Irlande.

Joaquín Almunia a aussi rappelé que Mario Monti a fait créer un poste de chief economist en 2003, qui a contribué très largement à la solidité des appréciations économiques effectuées par la Commission des opérations de concentrations, comme le démontre le récent arrêt du Tribunal à propos de cette affaire.

S’agissant des désinvestissements qui peuvent être exigés par la Commission, et qui ont été critiqués par un intervenant lorsque les investisseurs candidats à la reprise n’ont pas de projet social et conduisent l’entreprise au déclin, Joaquín Almunia a rappelé que toutes les propositions de cessions sont testées avec les acteurs du marché afin que les solutions aux problèmes identifiés soient proportionnées, viables et effectives. Il faut ensuite s’assurer que l’acheteur a l’expérience suffisante pour développer les actifs achetés et développer l’activité Il a également été souligné qu’il existe une concertation étroite entre le niveau national et européen via les autorités de concurrence..

Aides d’Etat

Concernant les aides d’Etat, la Commission a su coordonner les plans des Etats et organiser la sortie de ces plans qui ne sont pas achevés. En réponse à une question sur l’industrie de l’armement européenne moins protégée que le complexe militaro-industriel américain – dont le Commissaire a rappelé qu’il avait été mis en place par le Président Eisenhower – Joaquín Almunia a indiqué que les aides d’Etat ne s’appliquaient généralement pas à la défense.

Encourager et encadrer les investissements étrangers en Europe

La politique de la concurrence n’a pas porté préjudice aux PME/PMI et ne porte pas préjudice à la création d’entreprises européennes compétitives globalement. Il y a de nombreux exemples de concentrations ayant été approuvées. Mais ce n’est pas en se protégeant de la concurrence qu’une entreprise européenne deviendra une "championne" ; au contraire, c’est en étant capable de faire face à ses concurrents y compris à domicile. Il est par ailleurs important que les entreprises européennes vendent leurs produits ou s’implantent sur les marchés asiatiques, notamment chinois, mais il est illusoire de penser qu’une entreprise peut avoir accès à ces marché si en même temps elle souhaite se protéger de cette concurrence à domicile. Encourager les investissements en Europe est en outre indispensable. La Chine par exemple n’investit pas suffisamment en Europe et il faut l’encourager à y investir ses capitaux. Le Commissaire a donc écarté les craintes exprimées par certains intervenants concernant notamment la démarche agressive des entreprises chinoises notamment dans les travaux publics qui arrachent sur appel d’offre des marchés financés à 85% au titre de la politique régionale européenne. Si l’on veut que les entreprises européennes continuent d’être présentes en Chine, il faut accepter que les entreprises chinoises soient plus présentes en Europe. La solution, a-t-il indiqué, n’est pas de restreindre les échanges, mais d’essayer de parvenir à l’adoption de règles internationales. Il a cité à cet égard l’accord bilatéral UE/Corée du Sud (conclu en période de panne des négociations OMC) qui prévoit le respect réciproque des règles de concurrence.

Enjeux de la régulation financière

Il a également évoqué la régulation financière et notamment la future directive Bâle III destinée à augmenter les exigences de fonds propres des banques pour leur permettre de répondre à leurs engagements en cas de problèmes de liquidité. Il a souligné que les banques, qui ne veulent pas être taxées afin de garder l’argent pour financer l’économie, devaient faire leur métier de prêt à l’économie. "C’est la question la plus importante du G 20", a-t-il dit en faisant allusion à la réunion du G 20 qui doit se tenir à Séoul en novembre 2010.


 

Informations sur Joaquín Almunia
Commissaire chargé des Affaires économiques et monétaires de 2004 à 2010, Joaquín Almunia a été nommé Vice-président de la Commission européenne, chargé de la Concurrence dans la seconde Commission présidée par José Manuel Barroso. Secrétaire général du Parti socialiste espagnol (PSOE) de 1997 à 2000 (succédant à Felipe Gonzales), il s'est présenté en 2000 comme candidat au poste de Premier ministre. La défaite des socialistes aux législatives le poussera à démissionner. Député au Parlement espagnol de 1979 à 2004, il a ensuite occupé des fonctions ministerielles à deux reprises : en tant que Ministre de la Fonction publique (1986 - 1991) et Ministre de l'Emploi et de la Sécurité sociale (1982-1986).

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