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Quelles sont selon vous les conditions nécessaires pour que le nouveau Haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, poste créé par le traité de Lisbonne, puisse apporter toute la cohérence et la force souhaitée au message de l’UE sur la scène internationale ?
Permettez moi tout d’abord une remarque préliminaire. Lorsque l’on interroge les citoyens européens, la grande majorité d’entre eux souhaite voir l’Union européenne jouer un plus grand rôle sur la scène internationale et se déclare en faveur d’une politique étrangère commune de l’UE. Les règles les plus basiques de la démocratie exigeraient des dirigeants politiques qu’ils aillent dans cette direction. Or, dès lors que l’on parle de politique étrangère commune, il faut affronter les plus grandes résistances de la part des gouvernements nationaux. Le traité de Lisbonne offre de nouvelles opportunités pour développer cette politique étrangère commune, mais la position des Etats n’a pas fondamentalement changé. Faute d’accord sur le fond, nous avons créé une nouvelle institution en espérant qu’elle permettrait d’harmoniser les positions et de faire entendre une voix commune.
Le Haut représentant doit donc avant tout être capable de bâtir le consensus entre les Etats membres. Sa double casquette de Vice-président de la Commission et de représentant du Conseil est à ce titre essentielle car cela permet de faire le lien entre le niveau supranationale et le niveau intergouvernemental. Le nouveau Haut représentant aura de plus un atout considérable par rapport à son prédécesseur dans la mesure il présidera les réunions du Conseil dédiées aux Affaires étrangères. Cette présidence revenait auparavant au ministre des Affaires étrangères du pays exerçant la présidence tournante. Il faut à ce titre signaler un autre changement majeur introduit par le traité de Lisbonne qui est le découplage entre le Conseil "Affaires générales", où siègent les ministres des Affaires européennes, et le Conseil "Affaires étrangères", où siègent les ministres des Affaires étrangères.
Le Haut représentant devra également travailler en étroite coopération avec le Président du Conseil européen. C’est en effet au sein de cette institution que les chefs d’Etat et de gouvernement fixent les lignes directrices de la stratégie européenne, y compris concernant l’action extérieure de l’UE. Le Haut représentant et le Président du Conseil européen doivent former un tandem car ils sont tous les deux appelés à incarner l’Union européenne sur la scène internationale.
Le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) jouera enfin un rôle d’appui essentiel au Haut représentant. Ce réseau diplomatique sera d’une part très utile pour construire le consensus entre Etats. Il constituera d’autre part le principal instrument à disposition du Haut représentant pour appliquer les décisions prises en matière de politique étrangère.
La mise en place de ce Service européen pour l’action extérieur constitue justement un enjeu majeur. Quelles sont les positions du Parlement européen sur ce point et quel rôle entend il jouer dans cette phase préparatoire ?
Ce service doit être un service européen et non le rassemblement de services diplomatiques nationaux. En d’autres termes, nous défendons ardemment l’autonomie de ce service par rapport aux gouvernements des Etats membres.
Le Parlement souhaite par ailleurs se voir reconnaitre un droit de contrôle des activités de ce service par le biais de procédures qu’il reste à définir. Je rappelle à ce titre que conformément aux procédures déjà existantes et à sa fonction de Vice-président de la Commission, le Haut représentant doit venir devant le Parlement pour exposer ses grandes orientations. Il en est d’ailleurs de même pour le Président du Conseil européen. Outre la procédure de consultation pour l’organisation du SEAE, nous disposons enfin du levier budgétaire qui est toujours un instrument puissant. Le budget du Service diplomatique devra en effet être approuvé par le PE [
Catherine Ashton a été auditionné le 11 janvier par la commission des Affaires étrangère du PE dont vous faites partie. Vous a-t-elle convaincu de sa capacité à endosser cette nouvelle fonction de Haut représentant ?
Le traité de Lisbonne ne donne pas toutes les réponses concernant le poste de Haut représentant ou le Service d’action extérieur. La mise en œuvre du traité sera donc décisive et Catherine Ashton devra en l’occurrence faire preuve d’imagination et d’un esprit créatif. Il ne convient pas seulement d’appliquer la loi mais il faut également la créer. Il me semble dans ce sens assez futile de débattre sur la plus ou moins bonne prestation de la Commissaire désignée.
Cette audition a en revanche permis de mettre l’accent sur l’importance que nous accordons à une coopération étroite entre le Haut représentant et le Parlement européen. Je viens dans ce sens de proposer la création d’un conseil consultatif informel permettant des échanges de vue réguliers. Celui-ci serait formé sur des bases transpartisanes, autour de députés ayant une expérience significative en matière de relations internationales. L’accord interinstitutionnel qui en cours de négociation pour formaliser cette coopération avec le Haut représentant est fondamental et conditionnera en grande partie notre vote d’approbation à la Commission. La Commission européenne est en effet responsable devant le Parlement et nous sommes déterminés à faire valoir nos pouvoirs de même que notre rôle de représentant des citoyens européens.
Quels sont selon vous les principaux défis de la politique étrangère de l’Union européenne ?
Ma vision de l’action extérieure de l’Union européenne – je dis bien de "action" et non seulement "réaction" – est structurée autour de trois cercles concentriques.
Le premier concerne le voisinage de l’UE, dont la stabilité et la sécurité sont tout à fait essentielles. Je trouve de ce point de vue que la création au sein de la Commission européen d’un portefeuille spécifiquement dédié à la politique de voisinage est une très bonne chose [ 2]. J’ajoute que ce Commissaire devra travailler en coopération avec le Haut représentant afin d’assurer la cohérence entre les différents aspects de la politique étrangère.
Je mentionnerais trois dossiers clés de cette politique de voisinage, qui correspondent à trois régions stratégiques :
du côté oriental : l’Ukraine, qui peut être considéré comme le voisin le plus stratégique de l’Union ;
au Sud, l’Union pour la méditerranée
et entre les deux : l’Union pour la mer Noire, telle que nous [le Groupe socialiste] l’avons proposé en mai 2008 et qui vise à aller plus loin que la "Synergie pour le mer Noire" lancée par la Commission européenne en avril 2007.
J’appelle le second cercle celui qui concerne les "quasi voisins" de l’UE. Bien que ces pays ne partagent pas de frontière avec l’UE, leur développement interne revêt toutefois un caractère fondamental, par exemple parce qu’ils sont source d’immigration, d’énergie ou de terrorisme. Il est donc impératif que nous développions des stratégies vis-à-vis des ces pays.
Le troisième cercle concerne les acteurs globaux traditionnels, par exemple les Etats-Unis ou la Russie, et les acteurs globaux émergents, comme la Chine, l’Inde ou le Brésil.
Parallèlement à ces trois cercles, j’évoquerais enfin l’action au sein des organisations internationales. Nous avons d’une part besoin d’unité entre Européens et d’autre part de réformes profondes de ces organisations. Je pense en premier lieu aux questions de sécurité européenne. Il faut réfléchir à une nouvelle architecture de sécurité en Europe et pour cela réunir une sorte de conférence d’Helsinki II.
Je dirais pour conclure que la politique étrangère est l’expression la plus fondamentale de nos intérêts communs et de notre identité commune . Pour savoir ce que nous voulons faire à l’extérieur, il est donc essentiel de savoir qui nous sommes.
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