Rencontre du 09-03-2023
Jean-François Bohnert
Procureur de la République financier
Jean-François Bohnert
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Le Cercle des Européens a reçu Jean-François Bohnert, qui a mis d’emblée l’accent sur le caractère intégré de l’Espace Judiciaire Européen qui permet une coopération resserrée, la coopération « renforcée » renvoyant à la possibilité de légiférer à une majorité d’Etats, les autres restant en dehors du dispositif mis en place.
C’est ainsi en « coopération renforcée » de 22 Etats membres que le Parquet européen – dont la création était prévue à l’article 86 du traité de Lisbonne – a pu voir le jour en 2021.
Il est l’aboutissement de diverses initiatives auxquelles la France a pris une part majeure :
- l’appel de Genève de 1996 de sept juges européens emblématiques pour une coopération entre juges sur des affaires de corruption, fondée sur la confiance mutuelle ;
- la création par la France des « magistrats de liaison » ; le premier nommé l’a été en 1993 en Italie (Michel Debacq, ex-conseiller des affaires internationales au cabinet d’Elisabeth Guigou) alors que ce pays était en proie à une criminalité violente de la Mafia. Il y a actuellement 15 magistrats de liaison et trois postes de conseillers juridiques (Russie, Chine et Turquie).
- le Sommet de Tampere en 1999 du Conseil européen (avec la participation de Nicole Fontaine, Présidente du Parlement européen) consacré à la création d'un espace de liberté, de sécurité et de justice dans l'Union européenne. Il s’est soldé par la mise en place d’un réseau judiciaire européen en matière civile comme pénale.
- la création d’Eurojust en 2002 a aussi été une importante étape pour favoriser les échanges entre magistrats et promouvoir des enquêtes communes. Eurojust à La Haye travaille en étroite collaboration avec Europol, et coordonne les enquêtes pénales sur la fraude à la TVA, les escroqueries bancaires,… des perquisitions simultanées dans différents pays ont pu avoir lieu y compris en Suisse avec laquelle l’UE a un accord de coopération.
- le Parquet financier européen, installé en juin 2021, est la suite logique de ces étapes dans la direction d’une Europe judiciaire intégrée. Chaque procureur national (Frédéric Baab pour la France) s’entoure d’une équipe (5 magistrats pour le procureur français et une quinzaine pour l’Allemand). Le Parquet européen est totalement affranchi des contraintes de l’entraide.
Jean-François Bohnert a précisé ensuite les compétences du PNF qui comporte 40 personnes dont 19 magistrats. Il a pour priorités les Outre-Mer et la corruption dans des zones jusqu’ici « impunies », notamment Mayotte où elle est endémique. Puis il évoque la CJIP (Convention Judiciaire d’Intérêt Public) qui a rapporté - depuis son institution en 2016 - plus de 11 milliards au Trésor public. La CJIP est critiquée par ceux qui veulent une justice en place de grève, mais elle est signe d’effectivité, de célérité et de rayonnement international. Il est frappant de constater que l’institution a permis de nouer des liens de confiance avec le DoJ US qui nous renvoie des affaires qu’il aurait traité autrefois - le DoJ nous voit comme son homologue. S’agissant de la Russie, le PNF est compétent pour les biens mal acquis par des oligarques, mais pas pour la violation elle-même des sanctions économiques contre la Russie ou la Biélorussie. Cela devrait d’après JFB incomber au parquet financier européen.
Informations sur Jean-François Bohnert
Né en 1962, Jean-François Bohnert est diplômé de l’Ecole Nationale de la Magistrature. Il a mené ensuite sa carrière judiciaire, d’abord comme Magistrat de liaison auprès du Ministre de la Justice de la République fédérale d’Allemagne ou notamment encore comme Directeur-adjoint d’Eurojust, ensuite comme Avocat général à Bourges, Procureur de la République à Rouen, enfin comme Procureur Général près la Cour d’Appel de Reims. Il est depuis le 7 octobre 2019, Procureur de la République financier.