Le Cercle des Européens...
Pour une Europe réunie...
Jean-Claude Trichet a ouvert son intervention par différents aspects du succès de l’euro, sur lesquels il a tenu à revenir avant d’aborder le rôle de la BCE aujourd’hui.
Selon Jean-Claude Trichet, le succès le plus important de l’euro, le plus souvent passé inaperçu, en France comme auprès de la plupart des observateurs internationaux, réside dans le fait que l’euro signifie crédibilité et stabilité, tout en étant synonyme de monnaie nationale. Pourtant, après la dernière hausse des taux en France, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Belgique à la fin de l’année 1997, c’était la mise en place d’une « monnaie-panier » que les analyses des économistes laissaient envisager aux marchés, fondée sur un taux qui aurait été la moyenne arithmétique des monnaies à bas taux d’intérêt (comme le Mark) et de celle à hauts taux (par exemple la Peseta, la Lire ou le Drachme). Le Gouverneur de la Banque de France d’alors a dû procéder à un travail d’explication pour imposer l’idée d’une monnaie alignée par benchmarking sur les meilleures performances, en s’appuyant sur un slogan (destiné à rassurer essentiellement les interlocuteurs français, néerlandais et allemands) : la nouvelle monnaie sera au moins aussi bonne que votre monnaie nationale actuelle.
Pour les 306 millions d’habitants de l’Eurogroupe, l’euro fournit des conditions extrêmement favorables au financement, en garantissant des taux très bas à très long terme. Quant aux taux à 10 ans, ils évoluent de 3,55% à 3,60%, soit des taux également très bas qui varient légèrement en fonction de la qualité de la signature, et dont on ne pouvait rêver avant l’euro.
Tout en soulignant qu’il s’agit d’un argument par la négative, Jean-Claude Trichet a tenu également à rappeler le succès de l’euro en tant que protection : sans l’euro, le contexte actuel de dévaluation du dollar aurait probablement eu des conséquences plus que néfastes sur un univers monétaire européen instable, soumis aux dévaluations compétitives ou encore à l’empilement des primes de risque en Europe continentale.
Selon Jean-Claude Trichet, le déficit de transparence dont on accuse souvent la BCE se résume à un problème de communication, tant le dossier de cette nouvelle institution se situe sur ce point au meilleur niveau sur le plan mondial. À la mise en place de la BCE en janvier 1999, la norme mondiale (américaine) de communication pour les banques centrales était celle des minutes du conseil de politique monétaire et de l’Open Market Committee, publiées dans un délai de 5 à 6 semaines après avoir été établies. La BCE, dès sa création, s’est fixée comme norme la publication en temps réel de ses diagnostics, accompagnée d’une conférence de presse systématique du président de la BCE après réunion, afin de rendre immédiatement accessible à l’ensemble des citoyens de la zone euro les raisons d’une hausse ou d’une baisse des taux. Cette pratique jusque-là inédite a gagné depuis de l’influence, au point d’être rentré dans les usages de la Federal Reserve Bank.
Pour Jean-Claude Trichet, le dialogue entre la BCE et les exécutifs fait l’objet d’un malentendu total avec une partie de l’opinion publique. Le président de l’Eurogroupe, qui représente le sentiment commun des ministres des finances de la zone euro, est invité tous les quinze jours par le président de la BCE à être présent physiquement à la réunion des gouverneurs de cette dernière. Réciproquement, tous les mois, le président et le vice-président de la BCE sont invités au Conseil de l’Eurogroupe. Cette pratique inspirée de la tradition franco-allemande (invitation réciproque des ministres des finances tous les quinze jours) garantit, selon Jean-Claude Trichet, une proximité maximale avec l’exécutif, tout en maintenant l’indépendance institutionnelle par le droit de vote réservé naturellement aux membres de chacune des deux institutions.
Il existe un point sur lequel la BCE ne garantit pas une totale transparence telle qu’on pourrait la souhaiter : le vote de chacun des 12 gouverneurs de la BCE n’est pas révélé. Cette politique, issue d’une décision de Wim Duisenberg, vise à concentrer l’attention sur la position de l’ensemble du collège des gouverneurs et non sur les positions politiques nationales.
En ce qui concerne les objectifs déclarés de l’euro, ils font, selon Jean-Claude Trichet, l’objet d’une fausse polémique. Si l’objectif premier de l’euro, tel qu’il est défini dans le Traité de Maastricht, est bien la stabilité des prix, il n’entraîne en rien la relégation des politiques de croissance et d’emploi à une position secondaire. La définition des objectifs de la politique monétaire américaine (stabilité des prix, croissance soutenable et création d’emplois), que certains auraient préféré voir figurer dans le Traité de l’Union, ne correspond qu’à une différence de présentation, puisque la stabilité des prix est présentée dans le texte de Maastricht comme l’une des conditions nécessaires à la croissance et à la création d’emplois. On peut également ajouter que l’objectif second de la BCE est de soutenir les politiques de l’Union, y compris les GOPE et les politiques nationales de croissance et de création d’emplois. Par comparaison, les banques centrales du Commonwealth, du Japon et de la plupart des pays en voie de développement se contentent, elles, du seul objectif de la stabilité des prix.
Le pacte de stabilité et la croissance européenne
En ce qui concerne le pacte de stabilité et de croissance, dont la réforme est en débat sous la présidence de l’Eurogroupe par Jean-Claude Juncker, Jean-Claude Trichet a souligné que sa première partie gagnerait à être améliorée, afin d’accroître la prévention de certains comportements dispendieux et économiquement aberrants des exécutifs en période d’excédents, si l’on veut éviter que ne se reproduise le scénario français de 2000 (le débat sur la « cagnotte »). En ce qui concerne la partie corrective du pacte, le président de la BCE se prononce pour le maintien de sa rigidité actuelle, dans la mesure où l’euro a été vendu aux marchés mondiaux avec le pacte de stabilité. C’est cependant à la Commission qu’il revient de présenter les solutions envisageables, et au Conseil de décider.
Après avoir approuvé le constat sombre des diagnostics de croissance potentielle réduits à 1,9 ou 2%, Jean-Claude Trichet a évoqué la question de la productivité du travail : le rattrapage européen vis-à-vis des Etats-Unis s’est interrompu, voire inversé depuis 1996. Selon Jean-Claude Trichet, les hypothèses qui se fondent sur des différences d’adaptation aux NTIC de part et d’autre de l’Atlantique sont insuffisantes : l’explication, intuitivement, est à chercher dans un manque de flexibilité, qui seule permettrait de profiter pleinement des avantages compétitifs et des gains de productivité pour transférer les emplois vers les secteurs porteurs. Cette flexibilité s’appuie, une fois de plus, sur le préalable des réformes de structure que certaines des grandes économies développées ont réussi à faire aboutir. Il s’agit là, selon le consensus établi au G7, du homework nécessaire des États de l’Union - dont le pendant américain est la réduction du déficit budgétaire.
Le Cercle des Européens...
Pour une Europe réunie...
Copyright © 2021-2024 Cercle des Européens | Tous droits réservés | Mentions légales | Politique de confidentialité | Réalisation inPhobulle