Le Cercle des Européens...
Pour une Europe réunie...
La diplomatie européenne qui devait gagner en cohérence et en influence grâce à la création du poste de Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (occupé par Catherine Ashton), se montre-t-elle à la hauteur des évènements qui secouent le monde arabe ?
C’est trop tôt pour juger. Même des diplomaties nationales solidement établies, européennes et américaine ont du mal à s’ajuster, à trouver le ton juste. Et c’est normal car c’est très délicat. On attend trop du Haut Représentant, en général, et dans ce cas d’espèce. Que voulez-vous qu’elle fasse ? En plus les occidentaux ont moins d’influence qu’ils ne le croient sur ces évènements, et sur le monde en général !C’est démontré tragiquement en Libye.
La peur de l’islamisme ou les intérêts économiques justifient-ils l’attitude conciliante des Européens à l’égard des régimes autoritaire du Maghreb et du Proche-Orient ?
Évitons la culpabilité rétroactive ! Que fallait-il faire ? Ne pas commercer, ni investir, appliquer des sanctions générales ? Ou que les européens renversent eux même ces régimes ? Nous regretterions de ne pas avoir fait comme Bush ! Avec les résultats qu’il a eus ? Ce serait absurde. N’oublions pas que dans les pays arabes les élites elles mêmes ont longtemps trouvé, avant qu’ils ne dégénèrent, qu’il valait quand même mieux des régimes autoritaires que l’équivalent de l’Iran.
Les Etats-Unis, qui ne sont pas exempts de reproches, ne sont-ils pas néanmoins avec Barak Obama, un peu plus à la hauteur de la situation ?
Bien sûr. Tout est plus intelligent chez Obama. Mais sa mise en œuvre est tâtonnante. C’est normal. N’oublions pas que ce sont les Etats-Unis qui ont décrété la réintégration de Kadhafi dans la communauté internationale, en 2004. Et la guerre en Irak aussi. Je regrette quand même leur inaction en Libye. Maintenant ils se préoccupent surtout du sort de la péninsule arabique où ils souhaitent une évolution en douceur, programmée. Mais si cela tourne mal, ils accepteront que l’Arabie soutienne les régimes, ils seront coincés.
Ne pensez-vous pas que ces évènements condamnent la "realpolitik" qui a été en France, la pensée unique de ces dernières années ?
Si encore on menait une vraie "realpolitik", une politique réaliste ! En fait notre politique est confuse, souvent chimérique, soumise à une opinion qui s’enflamme facilement, alors qu’il faudrait du calme et de la continuité. Et ce n’est pas parce que des révoltes ont renversé Ben Ali et Moubarak que nous n’aurions pas dû avant avoir de relations avec eux et qu’il faudrait rompre avec les autres régimes arabes répressifs et avec la Chine ! Néanmoins il faut avoir des relations plus sobres et moins complices avec ces régimes. La force de ces révoltes résulte de ce que ce sont les jeunesses arabes elles mêmes, sans ingérence extérieure, qui ont lancé ces mouvements.
Après le processus de Barcelone de 1995, puis l’Union pour la Méditerranée lancée en 2008, et compte tenu de l’inefficacité de l’aide financière européenne, doit-on conclure à l’échec de la politique méditerranéenne de l’UE ? Sur quelles bases pourrait-elle voir le jour ?
Cela dépend de ses objectifs. Les évènements actuels ne condamnent pas, au contraire cela va peut être lui permettre de se régénérer quoique l’UPM ne soit pas le cadre le plus approprié.
L’Union européenne est-elle capable d’accompagner le processus de démocratisation dans son voisinage méditerranéen et plus généralement au Moyen-Orient ?
Oui elle peut inventer une politique d’accompagnement nouvelle si elle n’est pas paternaliste, si elle est consciente de ses limites si elle part des demandes des nouveaux gouvernements, si elle est vraiment partenariale, et si elle s’inscrit dans un processus de longue durée.
Vous avez écrit avec l’actuel Ministre des Affaires etrangères, Alain Juppé, une tribune très remarquée sur le risque d’affaiblissement de la diplomatie française [1] Ce risque est-il uniquement lié aux réductions budgétaires ?
Non, c’est le résultante d’un ensemble : mépris ironique (et stupide) des élites pour la diplomatie ; croyance présidentielle dans l’inutilité des diplomates ; personnalisation, médiatisation et hystérisation de la diplomatie ; maladresse du Quai pour se défendre ; absence de lobby protecteur. Résultat : l’effondrement budgétaire et la perte de crédit. C’est absurde. Nous avons besoin dans la compétition générale de cet instrument de défense de nos intérêts qui ne coûte que 1% du budget de l’Etat.
La crispation des Européens sur la question de l’immigration n’est-elle pas déplacée par rapport aux évènements en cours et dangereuse compte tenu "de la peur de l’immigration" en Europe ?
Non, les mouvements migratoires sont à l’évidence un problème, et pas seulement une "opportunité", ce que les élites bien pensantes, à des années lumières de l’électorat "normal", ont bien tort de nier. Mais il faut ajouter que les évènements en cours sont prometteurs, quelques soient les aléas, et que les mouvements migratoires comportent aussi des aspects positifs, surtout si on arrivait à les cogérer : Europe/ Afrique, Europe/ Méditerranée, et Europe/ Amérique Latine.
Le Cercle des Européens...
Pour une Europe réunie...
Copyright © 2021-2025 Cercle des Européens | Tous droits réservés | Mentions légales | Politique de confidentialité | Réalisation inPhobulle