Logo CDE

Logo Cercle des Européens

Sélectionnez votre langue


Entretien du 20-04-2011
Guy Verhofstadt
Député européen (ADLE-Belgique)

Cette dérive intergouvernementale donne toujours lieu à de mauvais compromis

Le Groupe Spinelli, dont vous êtes l’un des leaders, a tenu le 22 mars 2011 son premier "Conseil européen fantôme", en amont du Conseil européen des 23 et 24 mars. Pourquoi cette initiative ? Quel est l’origine et quels sont les objectifs de ce groupe ?

Parce que nous trouvons que la méthode intergouvernementale est en train de prendre le dessus au dépend de la méthode communautaire.Et c’est cette méthode qui a fait le succès de l’Union en mettant en avant l’intérêt commun à travers la Commission. Et parce que cela est démocratique en forçant le Parlement et le Conseil à se mettre d’accord. Le Groupe Spinelli est une réponse à cette dérive intergouvernementale qui met en avant surtout les soi-disant intérêts nationaux et qui, dans l’enceinte du Conseil européen, donne toujours lieu à de mauvais compromis.

Vous avez été très critique à l’égard du Pacte de compétitivité proposé par Paris et Berlin. Le Pacte pour l’euro échappe-t-il à ces critiques et pensez-vous qu’il soit à la hauteur de la situation actuelle ?

Non, il n’est tristement pas à la hauteur. Sur le fond, le pacte a touché juste. Il faut effectivement trouver un moyen de coopérer plus efficacement et étroitement sur les questions de la gouvernance économique, y compris concernant les politiques d’emploi, de productivité, de retraites, de fiscalité et d’investissement.

Mais ce qui ne va pas, c’est la méthode. Dans le pacte pour l’euro ce sont les Chefs d’Etat qui fixent les objectifs et qui vérifient s’ils ont été atteints. Autant dire que rien ne se passera. Les chefs d’Etat en tant que contrôleurs, nous avons déjà connu cela lors de la stratégie de Lisbonne. Sans objectif contraignant et une évaluation objective et indépendante, aucun progrès ne suivra.

Nous avons une politique monétaire européenne mais sans politique économique européenne. Or, elle est absolument nécessaire. Cela nécessite des convergences dans les politiques d’emploi et de compétitivité. Mais il faut aussi un volet investissement. Je viens de publier un rapport avec Alain Lamassoure et Jutta Haug sur le futur budget de l’Union (Europe for Growth : For a Radical Change in Financing the EU), dans le quel nous expliquons qu’il faut un investissement annuel de quelques centaines de milliards d’euros.

Le Groupe Spinelli à repris à son compte votre proposition d’"Acte communautaire pour la convergence et la gouvernance économique" (cf conclusions du "Conseil européen fantôme". En quoi consiste-il ?

Il s’agit de créer un cadre de convergence qui soit contraignant mais qui laisse aux Etats membres la décision sur le procédé. Le cadre à respecter serait suffisamment large pour tenir compte des différentes situations nationales et pour laisser une marge d’interprétation. En fait, il ne s’agit pas d’harmonisation mais bel et bien de convergence. La Commission déterminera les objectifs et controlera leur aboutissement. Et en cas de non respect des engagements, des sanctions pourront être prises par la Commission.

Si le "Pacte de compétitivité" est une initiative du "directoire franco-allemand", selon vos propres termes, cela n’est-il pas du à l’effacement de la Commission ?

Oui et non. La France et l’Allemagne ont toujours été le moteur, mais ils ne décidaient pas toujours pour les autres. Ils donnaient l’impulsion. Aujourd’hui, ils donnent un peu trop l’impression de décider pour les autres et cela n’est pas bon. De l’autre coté, la Commission est trop affaiblie. Nous avons l’impression qu’elle n’ose pas mettre en avant des propositions ambitieuses qui représentent réellement l’intérêt européen.

Malgré la mise en place de mécanismes financiers de sauvetage des Etats en grande difficulté (Fonds européen de stabilité financière (FESF) et Mécanisme européen de stabilité (MES) qui entrera en vigueur à partir de 2013), l’Union européenne ne semble pas parvenir à enrayer la spirale de la crise de la dette au sein de la zone euro, ni à rassurer les marchés. Comment l’expliquez-vous et quelles sont vos recommandations ?

Parce que l’Union ne s’attaque qu’à une moitié du problème. Nous avons, lentement et pas très bien, établi un fonds pour aider les pays en difficulté. Mais nous n’avons pas pris les mesures nécessaires pour nettoyer les banques européennes et mettre en place un système pour les aider si besoin en est.

Si nous voulons repartir sur des bases saines, il faut un assainissement des banques. Et cela concerne aussi des pays comme l’Allemagne, le Royaume-Uni ou la France. Sans une remise en ordre du système bancaire européen, il n’y aura pas de croissance à long terme. Nous devons également établir un vrai fonds d’urgence européen qui fonctionne au vote majoritaire et qui fasse entièrement partie du système européen.

Afin d’enrayer toute future crise de la dette souveraine, il faut aussi établir des euro-obligations qui mutualiseraient les dettes souveraines des Etats et baisseraient les couts de l’emprunt, du fait de l’élargissement du marché.

Dernièrement, il faut un plan d’investissement majeur pour toutes les infrastructures et autre projet transnational.

Le chemin est clair, mais le Conseil européen n’a jusqu’à maintenant pas voulu l’emprunter pour des raisons de soi-disant intérêt national. Nous espérons que les chefs d’Etat auront la sagesse de prendre ces mesures indispensables au plus vite.


 

Informations sur Guy Verhofstadt
Guy Verhofstadt est Député européen depuis 2009 et Président du Groupe ADLE (Groupe Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe). Il a été Premier ministre de Belgique de 1999 à 2008 et a exercé en 2001 la présidence tournante du Conseil de l'UE. Sénateur (1995-1999), il a également occupé les fonctions de Vice-premier ministre et Ministre du Budget, de la Recherche scientifique et du Plan (1985-1988). Guy Verhofstadt a commencé sa carrière politique en tant que Député (VLD) à la Chambre des représentants (1978-1995). Depuis 2009, il est Président ad interim de l'Open VLD.

Le Cercle des Européens...

Pour une Europe réunie...

Photorama

Partenaires du Cercle des Européens

Partager ce site sur :

Copyright © 2021-2025 Cercle des Européens | Tous droits réservés | Mentions légales | Politique de confidentialité | Réalisation inPhobulle